Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 256600, M. Abdennour D.

Par les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945, le législateur a entendu déterminer l’ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité d’un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d’un étranger. Cette procédure se caractérise notamment par le fait que l’arrêté ne peut pas être mis à exécution pendant le délai du recours contentieux ouvert à son encontre et qu’une demande présentée devant le président du tribunal administratif et tendant à l’annulation de cet arrêté a un effet suspensif jusqu’à ce qu’il ait été statué sur elle. Ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière n’est pas justiciable, devant le juge des référés du tribunal administratif, de la procédure instituée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Après avoir expressément rappelé que, conformément à une règle générale de procédure contentieuse applicable en l’absence de texte contraire, l’appel formé contre le jugement rendu par le président du tribunal administratif ou son délégué n’est pas suspensif, le législateur, en limitant à un mois la durée du délai d’appel et en spécifiant que l’appel doit être présenté devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué par lui, a entendu prévoir qu’il est statué sur cet appel dans de brefs délais. Par suite, eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, l’étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation de l’arrêté décidant sa reconduite à la frontière n’est pas recevable à demander au juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de cet arrêté. Il lui est loisible, au demeurant, de demander au Conseil d’État d’ordonner le sursis à l’exécution dudit jugement en application des dispositions de l’article R. 811-17 du même code.

CONSEIL D’ÉTAT

statuant au contentieux

N° 256600

M. D.

Mlle Bourgeois
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 juillet 2003
Lecture du 30 juillet 2003

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil dEtat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par M. Abdennour D. ; M. D. demande au Conseil d’État :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative, l’exécution de l’arrêté du 26 février 2003 par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d’enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 2 juillet 2003 par M. D. ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de Mlle Bourgeois, Auditeur,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions principales de M. D. tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du 26 février 2003

Considérant qu’aux termes de l’article L.521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu’aux ternes de l’article 22 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction actuellement en vigueur : « I. L’étranger qui fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l’arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu’il est notifié par voie postale, demander l’annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif. - Le président ou son délégué statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine... II.... Cet arrêté ne peut être exécuté avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l’arrêté est notifié par voie administrative ou de sept jours lorsqu’il est notifié par voie postale ou, si le président du tribunal administratif ou son délégué est saisi, avant qu’il n’ait statué... IV. Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d’appel dans un délai d’un mois devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué par lui. Cet appel n’est pas suspensif.. » ;

Considérant que, par les dispositions précitées de l’ordonnance du 2 novembre 1945, le législateur a entendu déterminer l’ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité d’un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d’un étranger ; que cette procédure se caractérise notamment par le fait que l’arrêté ne peut pas être mis à exécution pendant le délai du recours contentieux ouvert à son encontre et qu’une demande présentée devant le président du tribunal administratif et tendant à l’annulation de cet arrêté a un effet suspensif jusqu’à ce qu’il ait été statué sur elle ; qu’ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière n’est pas justiciable, devant le juge des référés du tribunal administratif, de la procédure instituée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu’après avoir expressément rappelé que, conformément à une règle générale de procédure contentieuse applicable en l’absence de texte contraire, l’appel formé contre le jugement rendu par le président du tribunal administratif ou son délégué n’est pas suspensif, le législateur, en limitant à un mois la durée du délai d’appel et en spécifiant que l’appel doit être présenté devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué par lui, a entendu prévoir qu’il est statué sur cet appel dans de brefs délais ; que, par suite, eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, l’étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation de l’arrêté décidant sa reconduite à la frontière n’est pas recevable à demander au juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de cet arrêté ; qu’il lui est loisible, au demeurant, de demander au Conseil d’État d’ordonner le sursis à l’exécution dudit jugement en application des dispositions de l’article R. 811-17 du même code ;

Considérant que, si M. D. a fait appel devant le Conseil d’Etat du jugement du 6 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 26 février 2003 décidant sa reconduite à la frontière, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le requérant n’est pas recevable à demander au Conseil d’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de cet arrêté ; que, dès lors, les conclusions principales de la requête doivent être rejetées ;

Sur les conclusions subsidiaires de M. D. tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 6 mars 2003

Considérant qu’il n’appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution d’un jugement de tribunal administratif en application des dispositions de l’article R.811-17 du code de justice administrative ; qu’ainsi, les conclusions de M. D. tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 6 mars 2003 ne sont pas recevables ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abdennour D., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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