Conseil d’Etat, 9 juillet 2003, n° 254196, Société Scolarest

L’énumération, d’ailleurs purement déclarative, des autres personnes disposant d’un tel pouvoir au sein de la société ne pouvant avoir d’influence sur le choix à effectuer entre les candidats admis à présenter une offre, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en estimant que la commission de délégation de service public de la ville de Marseille était tenue d’écarter la candidature de la société requérante au motif que le dossier présenté par celle-ci ne mentionnait pas la ou les personnes ayant le pouvoir de l’engager.

CONSEIL D’ÉTAT

Statuant au contentieux

N° 254196

S0CIETE SCOLAREST

M. Bouchez
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 juin 2003
Lecture du 9 juillet 2003

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Conseil d Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 février 2003 et 28 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil dÉtat, présentés pour la SOCIETE SCOLAREST, dont le siège est 40, boulevard de Dunkerque à Marseille (13002) ; la SOCIETE SCOLAREST demande au Conseil d`État

1°) d’annuler l’ordonnance du 29 janvier 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 20 décembre 2002 de la commission de délégation de service public écartant sa candidature pour la délégation de service public de la restauration scolaire du 1er degré de la ville de Marseille, à ce qu’il soit enjoint à ladite ville de recevoir sa candidature, au besoin sous astreinte, et à ce que la signature du contrat litigieux soit différée jusqu’au terme de la procédure ;

2°), en tant que de besoin, d’ordonner à la ville de Marseille de produire le ou les procès-verbaux de la commission précitée relatifs à l’examen des candidatures ;

3°) statuant comme juge des référés sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la décision de rejet de sa candidature ainsi que l’ensemble des décisions se rapportant à la passation du contrat litigieux et postérieures à cette décision de rejet et d’ordonner à la ville de Marseille de reprendre la procédure de passation de la délégation de service public au stade de l’agrément des candidats admis à présenter une offre et d’admettre sa candidature ;

5°) de condamner la ville de Marseille à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE SCOLAREST et de Me Guinard, avocat de la ville de Marseille,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (...).l Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations" ;

Considérant que par un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication le 3 septembre 2002, la ville de Marseille a engagé la procédure de passation d’une convention de délégation de service public ayant pour objet la restauration scolaire dans les établissements du premier degré ; que, par une lettre du 20 décembre 2002, le président de la commission de délégation de service public de la ville de Marseille a notifié à la SOCIETE SCOLAREST que sa candidature n’était pas recevable, les pièces du dossier ayant été signées par le directeur général adjoint de cette société sans production d’un document attestant de ses pouvoirs ; que, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, par une ordonnance du 29 janvier 2003, rejeté la demande de la SOCIETE SCOLAREST tendant à l’annulation de la décision écartant sa candidature et à ce qu’il soit enjoint à la ville de Marseille d’examiner son offre ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : "( ...) La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude, à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service publie" ; que si la SOCIETE SCOLAREST n’a pas complété, dans le formulaire de déclaration "DC 5" que l’avis d’appel public à la concurrence publié par la ville de Marseille avait demandé aux candidats de produire, la rubrique du paragraphe B intitulée "Personne(s) ayant le pouvoir d’engager la société", elle a indiqué au paragraphe F, sous la rubrique "signature d’une personne ayant pouvoir d’engager la société", le nom et la qualité du signataire, M. Dubar, directeur général adjoint ; que l’énumération, d’ailleurs purement déclarative, des autres personnes disposant d’un tel pouvoir au sein de la société ne pouvant avoir d’influence sur le choix à effectuer entre les candidats admis à présenter une offre, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en estimant que la commission de délégation de service public de la ville de Marseille était tenue d’écarter la candidature de la SOCIETE SCOLAREST au motif que le dossier présenté par celle-ci ne mentionnait pas la ou les personnes ayant le pouvoir de l’engager ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d Etat, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille ;

Considérant que, pour les motifs qui ont été indiqués ci-dessus, et dès lors que l’avis d’appel public à la concurrence ne comportait sur ce point aucune exigence autre que la production de la déclaration "DC5", la commission de délégation de service public de la ville de Marseille ne pouvait, pour écarter comme irrecevable la candidature de la SOCIETE SCOLAREST, se fonder sur le motif que le dossier avait été signé par le directeur général adjoint de cette société sans production d’un document attestant de ses pouvoirs ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SCOLAREST est fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle sa candidature a été écartée par la commission de délégation de service public de la ville de Marseille et à ce qu’il soit ordonné à celle-ci de reprendre la procédure au stade de l’examen des candidatures ; qu’il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions de la société requérante tendant à ce qu’il soit ordonné à la ville de Marseille d’admettre sa candidature, une telle mesure n’étant pas, en tout état de cause, de celles qu’il appartient au juge de prononcer en application des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de iustice administrative

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la ville de Marseille à verser à la SOCIETE SCOLAREST la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE SCOLAREST, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la ville de Marseille la somme que celle-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 29 janvier 2003 du vice-président délégué du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La décision du 20 décembre 2002 de la commission de délégation de service public de la ville de Marseille écartant la candidature de la SOCIETE SCOLAREST pour la délégation de service public de la restauration scolaire du premier degré de la ville de Marseille est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la ville de Marseille de reprendre la procédure au stade de l’examen des candidatures.

Article 4 : La ville de Marseille versera à la SOCIETE SCOLAREST la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE SCOLAREST est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SCOLAREST, à la ville de Marseille et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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