Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 245346, Ministre de l’intérieur c/ M. Brahim B.

En retenant que, s’il s’est rendu coupable de diverses infractions pour des faits de vols avec violence, violences volontaires et outrage qui ont entraîné le prononcé de six condamnations de décembre 1990 à février 1998 à des peines d’emprisonnement, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits en estimant que, dans les circonstances de l’espèce, la mesure d’expulsion prise à l’encontre de M. B. avait porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle était intervenue.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 245346

Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 juillet 2003
Lecture du 30 juillet 2003

MINISTRE DE L’INTERIEUR
c/ M. B.

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil dEtat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 18 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DE L’INTERIEUR ; le MINISTRE DE L’INTERIEUR demande au Conseil d’Etat l’annulation de l’arrêt du 27 décembre 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 28 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 25 juin 1999 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant l’expulsion de M. Brahim B. du territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. B.,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales... » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. B., né en Algérie, ressortissant du royaume du Maroc, n’a aucune attache familiale avec le pays dont il a la nationalité ; qu’il est entré, en 1973, à l’âge de deux ans en France où il réside depuis lors avec ses parents et ses frères qui sont de nationalité française ; qu’en retenant que, s’il s’est rendu coupable de diverses infractions pour des faits de vols avec violence, violences volontaires et outrage qui ont entraîné le prononcé de six condamnations de décembre 1990 à février 1998 à des peines d’emprisonnement, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits en estimant que, dans les circonstances de l’espèce, la mesure d’expulsion prise à l’encontre de M. B. avait porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle était intervenue ; qu’ainsi, le MINISTRE DE L’INTERIEUR n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur la demande de délivrance de titre de séjour

Considérant que M. B., qui d’ailleurs bénéficie d’une carte de résident expirant le 3 juin 2007, est irrecevable à présenter pour la première fois en cassation la demande sus-analysée ; administrative

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice

Considérant que M. B. a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que la SCP Boré et Xavier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de condamner l’Etat à payer à la SCP Boré et Xavier la somme de 2 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’INTERIEÜR est rejeté.

Article 2 : L’État versera à la SCP Boré et Xavier, avocat de M. B., une somme de 2 300 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État. Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE LA SECURITE INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES et à M. Brabim B..

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