Conseil d’Etat, référé, 17 juillet 2003, n° 258506, Société de réalisation et de rénovation immobilière (SRRI)

Il incombe à l’autorité administrative d’assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l’exécution des décisions de justice. Les exigences de l’ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l’Etat sur le terrain de l’égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 258506

SOCIETE DE REALISATION ET DE RENOVATION IMMOBILIERE (SRRI)

Ordonnance du 17 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 15 juillet 2003, présentée par la SOCIETE DE REALISATION ET DE RENOVATION IMMOBILIERE (SRRI), dont le siège est 103, rue du Temple à Paris (75003), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au juge des référés du Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 4 juillet 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce qu’il soit enjoint sous astreinte au préfet de police de prendre les mesures nécessaires à l’exécution de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 7 février 2000 prononçant l’expulsion des occupants de l’immeuble dont elle est propriétaire au 21, rue Saint-Marc à Paris (75002) ;

2°) d’ordonner au préfet de police de mettre à exécution dans un délai de quinze jours l’ordonnance du 7 février 2000, et subsidiairement dans un délai de trois mois, sous astreinte de 500 euros par jour et subsidiairement de 100 euros par jour et par occupant ;

3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que le refus du préfet de police de prêter le concours de la force publique à l’exécution de la décision d’expulsion prise par le juge judiciaire porte atteinte à son droit de propriété, qui est une liberté fondamentale ; que l’occupation de l’immeuble présente un caractère démonstratif et revendicatif ; que la société, contrairement à ce qu’a retenu l’ordonnance attaquée, a un projet immobilier précis ; que la société et ses associés subissent d’importants préjudices qui ne peuvent être intégralement réparés par la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat ; que l’absence de solution de relogement résulte de la carence de l’administration ; qu’il y a urgence à l’exécution de la décision du juge judiciaire eu égard aux contraintes du régime de marchand de biens sous lequel l’immeuble a été acheté, au projet immobilier de la société, à la situation des associés et à la propagation de rongeurs dans l’immeuble voisin ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoquée à une audience publique,

Vu le procès verbal de l’audience publique du

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale" ;

Considérant que la société SRRI demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de cet article, au préfet de police de prendre les mesures nécessaires à l’exécution de l’ordonnance de référé du 7 février 2000 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné l’expulsion sous astreinte des occupants sans titre de l’immeuble dont elle est propriétaire à Paris ;

Considérant qu’il incombe à l’autorité administrative d’assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l’exécution des décisions de justice ; que les exigences de l’ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l’Etat sur le terrain de l’égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique ;

Considérant que pour justifier le refus de concours de la force publique qu’il a opposé à la société requérante, le préfet de police a invoqué le risque de troubles à l’ordre public qui résulterait de l’expulsion de plusieurs familles comportant de nombreux enfants en bas âge, pour lesquelles il n’y a pas actuellement de solution de relogement ; qu’en l’état du dossier soumis au juge des référés, le refus du préfet, fondé sur un tel motif, dont les pièces du dossier ne font pas apparaître qu’il serait manifestement erroné, ne peut être regardé comme entaché d’une illégalité grave et manifeste nécessaire à l’application des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que la société SRRI n’est, par suite, pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu’il y a lieu de rejeter son appel, manifestement mal fondé, en utilisant la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société SRRI la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DE REALISATION ET DE RENOVATION IMMOBILIERE (SRRI) est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE DE REALISATION ET DE RENOVATION IMMOBILIERE (SRRI). Copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1871