Cour administrative d’appel de Marseille, 15 mai 2003, n° 01MA00571, M. Ibouroi Moilin S.

Le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision de rejet d’une demande si, d’une part, cette exécution est de nature à causer un préjudice difficilement réparable et si, d’autre part, l’un au moins des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, de nature à justifier que le juge saisi du principal, non seulement annule cette décision, mais aussi adresse à l’autorité administrative qui l’a prise l’une des injonctions prévues par les dispositions de la loi du 8 février 1995, aujourd’hui codifiées aux articles L.911-1 et L.911-2 du code de justice administrative.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 01MA00571

M. Ibouroi Moilin S.

M. DARRIEUTORT
Président

M. GUERRIVE
Rapporteur

M. TROTTIER
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 15 mai 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(3ème chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 8 mars 2001 sous le n° 01MA00571, présentée pour M. Ibouroi Moilin S. ;

M. Ibouroi Moilin S. demande à la Cour :

1°/ d’annuler l’ordonnance du 22 février 2001 par laquelle le président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de sursis à exécution de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 21 août 2000 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;

Il soutient que la décision litigieuse encourt l’annulation, dès lors qu’il est en France depuis 1994, qu’il établit vivre en concubinage avec Melle ALI Z., et qu’il est père d’un enfant né le 30 juillet 1999 à Marseille ; qu’il est né aux Comores avant leur indépendance ; que l’exécution de la décision attaquée lui causerait un grave préjudice ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 15 mai 2001 par lequel le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête, par adoption des motifs retenus par le premier juge ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 de 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 avril 2003 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- les observations de Me RIPERT substituant Me BONAN ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Considérant que le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision de rejet d’une demande si, d’une part, cette exécution est de nature à causer un préjudice difficilement réparable et si, d’autre part, l’un au moins des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, de nature à justifier que le juge saisi du principal, non seulement annule cette décision, mais aussi adresse à l’autorité administrative qui l’a prise l’une des injonctions prévues par les dispositions de la loi du 8 février 1995, aujourd’hui codifiées aux articles L.911-1 et L.911-2 du code de justice administrative ;

Considérant que M. Ibouroi Moilin S., qui est en France depuis 1994, vit avec sa concubine et leur enfant né en 1999 ; que l’exécution de la décision du 21 août 2000 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour est de nature à lui causer un préjudice difficilement réparable ; qu’en l’état de l’instruction de l’instance au fond, telle qu’elle ressort des pièces produites en appel, le moyen tiré de ce que la décision du préfet des Bouches du Rhône a porté au droit de M. S. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, paraît de nature à justifier que le juge saisi du principal annule ladite décision et adresse à l’autorité compétente l’une des injonctions susmentionnées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Ibouroi Moilin S. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président de la première chambre du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu’il y a lieu, dès lors, d’annuler ladite ordonnance et d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 21 août 2000 ; qu’il y a lieu, en outre, de prescrire audit préfet de délivrer au requérant, dès notification du présent arrêt, un titre de séjour provisoire, valable jusqu’à la notification du jugement du tribunal administratif sur la demande d’annulation présentée par M. Ibouroi Moilin S. ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du président de la 1ère chambre du Tribunal administratif de Marseille en en date du 22 février 2001 est annulée.

Article 2 : Jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’annulation présentée devant le Tribunal administratif de Marseille par M. Ibouroi Moilin S., il sera sursis à l’exécution de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 22 août 2000.

Article 3 : Il est prescrit au préfet des Bouches du Rhône de délivrer à M. Ibouroi Moilin S., dès notification du présent arrêt, un titre de séjour provisoire, valable jusqu’à la notification du jugement du tribunal administratif sur sa demande d’annulation.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ibouroi Moilin S., au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et au préfet des Bouches du Rhône.

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