Conseil d’Etat, 30 juin 2003, n° 236571, Fédération régionale ovine du sud-est et autres

Une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution conserve, tant que le Parlement ne l’a pas ratifiée expressément ou de manière implicite, le caractère d’un acte administratif. Si, en vertu du dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, celles de ses dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation donnée au gouvernement, être modifiées que par la loi, les dispositions de nature réglementaire figurant dans une ordonnance non ratifiée peuvent être modifiées par décret. Comme l’ordonnance qu’il modifie, un tel décret doit être pris en Conseil d’Etat et délibéré en conseil des ministres.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 236571, 236597, 236615, 236619, 236623, 236637, 236647, 236651, 236681, 236687, 236691, 236695, 236720

FEDERATION REGIONALE OVINE DU SUD-EST et autres

Mlle Vialettes
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2003
Lecture du 30 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 236 571, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 26 juillet 2001, présentée par la FEDERATION REGIONALE OVINE DU SUD-EST, dont le siège social est sis maison régionale de l’élevage, route de la Durance à Manosque (04100), représentée par son président en exercice ; la FEDERATION REGIONALE OVINE DU SUD-EST demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2001-450 du 25 mai 2001 modifiant l’article L. 427-6 du code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles tel qu’il résulte de l’ordonnance du 18 septembre 2000 ;

Vu 2°), sous le n° 236597, la requête, enregistrée le 26 juillet 2001, présentée pour la COMMUNE DE THIERY, (06710), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE THIERY demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 3°), sous le n° 236615, la requête, enregistrée le 26 juillet 2001, présentée par la COMMUNE DE LA BOLLENE-VESUBIE, (06450), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LA BOLLENE-VESUBIE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 4°), sous le n° 236619, la requête, enregistrée le 26 juillet 2001, présentée par la COMMUNE DE MALAUSSENE, (06710), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MALAUSSENE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 5°), sous le n° 236623, la requête, enregistrée le 26 juillet 2001, présentée par l’ASSOCIATION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DE LA TRANSHUMANCE, dont le siège social est à la Maison des agriculteurs, rue Léo Lelée à, Saint Martin de Crau, (13310), représentée par son secrétaire en exercice ; l’ASSOCIATION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DE LA TRANSHUMANCE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 6°), sous le n° 236637, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 27 novembre 2001, présentés pour l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DE CHASSEURS, dont le siège social est 48, rue d’Alésia, à Paris (75014), représentée par son président en exercice ; l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DE CHASSEURS demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 7°), sous le n° 236647, la requête, enregistrée le 27 juillet 2001, présentée par le SYNDICAT OVIN DES ALPES-MARITIMES, dont le siège social est Box 116, MIN Fleurs 6, 06296, Nice Cedex 3, représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT OVIN DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 8°), sous le n° 236651, la requête, enregistrée le 27 juillet 2001, présentée par la COMMUNE DE LIEUCHE, (06260), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LIEUCHE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 9°), sous le n° 236681, la requête, enregistrée le 27 juillet 2001, présentée par la COMMUNE DE ROQUEBILLIERE, (06450), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE ROQUEBILLIERE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 10°), sous le n° 236687, la requête, enregistrée le 30 juillet 2001, présentée par la COMMUNE DE BELVEDERE, (06450), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE BELVEDERE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 11°), sous le n° 236691, la requête, enregistrée le 30 juillet 2001, présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, dont le siège est 8 ter, rue Capitaine de Bresson à Gap (05000), représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 12°), sous le n° 236695, la requête, enregistrée le 30 juillet 2001, présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES DE L’ISERE, dont le siège social est Maison des agriculteurs, 40 avenue Marcelin Berthelot, BP 2608, 38036, Grenoble Cedex 2, représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES DE L’ISERE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu 13°), sous le n° 236720, la requête, enregistrée le 30 juillet 2001, présentée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est 64 boulevard Louis Pasquet, 13300, Salon-de-Provence, représentée par son président en exercice ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES BOUCHES-DU-RHONE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir du 25 mai 2001 modifiant le code de l’environnement relatif à la destruction d’animaux nuisibles ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution et notamment ses articles 13, 19 et 38 ;

Vu la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;

Vu la directive, du Conseil, n° 92/43/CEE, du 21 mai 1992 modifiée, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE THIERY et autres, et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DES CHASSEURS,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même décret ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu’une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution conserve, tant que le Parlement ne l’a pas ratifiée expressément ou de manière implicite, le caractère d’un acte administratif ; que si, en vertu du dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, celles de ses dispositions qui relèvent du domaine de la loi ne peuvent plus, après l’expiration du délai de l’habilitation donnée au gouvernement, être modifiées que par la loi, les dispositions de nature réglementaire figurant dans une ordonnance non ratifiée peuvent être modifiées par décret ; que, comme l’ordonnance qu’il modifie, un tel décret doit être pris en Conseil d’Etat et délibéré en conseil des ministres ;

Considérant que le décret attaqué modifie des dispositions de l’article L. 427-6 du code de l’environnement issues de l’ordonnance du 18 septembre 2000 ; qu’à la date d’intervention de ce décret, cette ordonnance n’avait pas été ratifiée ; que ses dispositions de nature réglementaire pouvaient donc être modifiées par un décret pris, comme le décret attaqué, en Conseil d’Etat et délibéré en conseil des ministres ;

Considérant que la détermination des modalités d’exercice de la police de la chasse relève du pouvoir réglementaire, dès lors qu’elles ne mettent en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi ; que la désignation des espèces d’animaux nuisibles pouvant faire l’objet de chasses, battues et destructions ordonnées par le préfet conformément à l’article L. 427-6 du code de l’environnement ne porte atteinte à aucun de ces principes ou règles ; qu’elles relèvent, par suite, de la compétence du pouvoir réglementaire ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d’incompétence doit, en conséquence, être écarté ;

Considérant que d’après les dispositions combinées des articles 13 et 19 de la Constitution les décrets délibérés en conseil des ministres sont signés par le Président de la République et contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par "les ministres responsables" ; que les ministres responsables sont ceux auxquels incombent, à titre principal, la préparation et l’application des décrets dont s’agit ; que le décret attaqué est relatif à la destruction des animaux nuisibles ; que le ministre de l’agriculture n’assumait, à la date du décret attaqué, aucune responsabilité en matière de police de la chasse ; que, dès lors, son contreseing n’était pas exigé ;

Considérant que la consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage institué par l’article R. 221-1du code rural ne revêt pas un caractère obligatoire ; que par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil préalablement à l’édiction du décret attaqué, doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant que si les requérants soutiennent que le décret attaqué serait entaché d’erreur de droit, le moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que l’article L. 427-6 du code de l’environnement, tel que modifié par le décret attaqué, dispose : "Sans préjudice des dispositions de l’article L. 2122-21 (9°) du code général des collectivités territoriales, il est fait, chaque fois qu’il est nécessaire, sur l’ordre du préfet, après avis du directeur départemental de l’agriculture et de la forêt, des chasses et battues générales ou particulières aux animaux nuisibles..." ; qu’ainsi l’autorité administrative peut ordonner des battues à l’encontre des animaux qualifiés de nuisibles ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’autorité administrative serait privée de toute possibilité d’action contre les animaux nuisibles et que, par suite, le décret attaqué serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret du 25 mai 2001 ;

D E C I D E :


Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION REGIONALE OVINE DU SUD-EST, de la COMMUNE DE THIERY, de la COMMUNE DE BOLLENE-VESUBIE, de la COMMUNE DE MALAUSSENE, de l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DES CHASSEURS, de l’ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE LA TRANSHUMANCE, du SYNDICAT OVIN DES ALPES-MARITIMES, de la COMMUNE DE LIEUCHE, de la COMMUNE DE ROQUEBILIERE, de la COMMUNE DE BELVEDERE, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES DE L’ISERE et de la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES BOUCHES-DU-RHÔNE sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION REGIONALE OVINE DU SUD-EST, à la COMMUNE DE THIERY, à la COMMUNE DE BOLLENE-VESUBIE, à la COMMUNE DE MALAUSSENE, à l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DES CHASSEURS, à l’ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE LA TRANSHUMANCE, au SYNDICAT OVIN DES ALPES-MARITIMES, à la COMMUNE DE LIEUCHE, à la COMMUNE DE ROQUEBILIERE, à la COMMUNE DE BELVEDERE, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES HAUTES-ALPES, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES DE L’ISERE et à la FEDERATION DEPARTEMENTALE OVINE DES BOUCHES-DU-RHÔNE et au ministre de l’écologie et du développement durable.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1825