Tribunal administratif de Paris, référé, 18 avril 2001, n° 0104739/9 , UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE

A propos de l’ouverture de Sciences Politiques aux lycées de "zone difficiles".

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N° 0104739/9

UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE

M. Mathieu
Juge des référés

Ordonnance du 18 avril 2001

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés statuant en urgence,

Vu, enregistrée au greffe du Tribunal administratif le 3 avril 2001, sous le n° 0104739, la requête présentée par l’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE, dont le siège est 8, rue Musset 75016 Paris ; l’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE demande au juge des référés de suspendre la délibération du 26 mars 2001 par laquelle le conseil de direction de l’Institut d’études politiques de Paris a approuvé l’institution d’une procédure de sélection supplémentaire pour l’accès à l’Institut d’études politiques de Paris et a donné délégation à son directeur pour passer des conventions avec les établissements d’enseignement secondaire dans le cadre de cette procédure de sélection ;

L’Union nationale inter-universitaire soutient qu’elle dispose d’élus au conseil national de l’enseignement supérieur ; qu’ainsi elle est représentative des étudiants et a intérêt à agir ; que son président a été chargé par le bureau national d’engager une instance contre les délibérations susvisées ; que la procédure mise en place par les délibérations doit commencer dans les prochaines semaines ; que l’urgence se justifie pour éviter les drames humains qui ne manqueraient pas de se produire concernant les lycéens éventuellement admis et qui en seraient ensuite exclus ; qu’il résulte de l’article L. 612-3 du code de l’éducation nationale, repris de l’article 14 de la loi du 26 janvier 1984, que la sélection pour les grands établissements est opérée selon des modalités fixées par le ministre de l’éducation nationale ; que le pouvoir réglementaire ne peut déléguer ses compétences sans autorisation législative ; que, par suite, l’article 5 du décret du 10 mai 1985 relatif à l’institut d’études politiques est illégal ; que les conditions d’admission à HEP de Paris ont toujours été fixées par arrêté ; que les aménagements au principe de liberté d’accès à l’enseignement et les concours de recrutement relèvent du domaine de la loi dans le cadre de l’article 34 de la Constitution ; que le principe de non discrimination est un élément essentiel de l’héritage républicain ; que les deux délibérations édictent une illégalité de droit et de fait entre les lycéens inscrits dans une ZEP, REP ou analogue et tous les autres et entre ceux qui relèvent d’un lycée ayant signé une convention et ceux qui sont scolarisés dans un établissement n’ayant pas signé une telle convention ; que cette inégalité est en l’espèce non justifiée concernant des individus placés dans des conditions objectives rigoureusement similaires ; que les critères de discriminations choisis par la direction de HEP sont partiales et partielles ; que si des élèves remplissent les mêmes conditions de diplôme et d’âge ne sont pas autorisés à se présenter aux mêmes procédures de sélection, il y a atteinte au principe d’égalité ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2001, présenté pour l’Institut d’études politiques de Paris, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez qui tend au rejet de la requête, l’Institut d’études politiques de Paris demande, en outre, que l’Union nationale inter-universitaire soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l’article L. 761 ?1 du code de justice administrative ;

L’Institut d’études politiques de Paris soutient que le recrutement se déroulera en deux phases : une présélection des candidats par les lycées eux-mêmes puis un entretien oral de 45 minutes devant un jury ; qu’il a été convenu avec les rectorats que les candidats bénéficieront d’une inscription parallèle dans l’enseignement supérieur de leur choix ; que cette procédure de sélection est expérimentale ; que la demande est irrecevable, le président de l’UNI n’ayant pas été habilité régulièrement à ester en justice et n’a pas qualité pour agir : que les mesures édictées n’entreront en vigueur qu’au mois d’octobre 2001 ; que les élèves présélectionnés subiraient un lourd préjudice si les délibérations étaient suspendues ; qu’aucune urgence ne justifie la suspension des décisions attaquées ; que les dispositions de l’article 5 du décret du 10 mai 1985 ont été pris pour l’application de l’article 37 de la loi du 26 janvier 1984 qui organise un régime dérogatoire pour les grands établissements ; que les dispositions de l’article 14 de la loi du 10 mai 1985 sous l’empire du décret du 18 janvier 1969 abrogé ; que c’est le législateur lui ?même qui a prévu qu’une sélection pouvait être opérée pour l’accès aux grands établissements ; que le dispositif critiqué ne met pas en cause les principes fondamentaux et le principe d’égalité ; que des considérations d’ordre général peuvent être retenues pour admettre certaines distinctions dès lors que les considérations dont se prévaut l’administration sont en rapport avec la finalité ou l’objet de la législation en cause ; que la jurisprudence relative aux concours n’est pas transposable s’agissant d’un examen ; que la procédure spéciale d’admission est justifiée par la situation particulière des élèves dont le milieu socioculturel ne facilite pas l’accès aux filières d’admission de l’Institut ; que s’agissant d’une mesure expérimentale des différences de traitement temporaires peuvent être admises ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2001, présenté par l’Union nationale inter-universitaire qui tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

L’Union nationale inter-universitaire soutient que les demandes en référé peuvent être introduites sans que le demandeur présente une autorisation d’ester en justice ; qu’au surplus les membres ayant donné procuration sont juridiquement considérés comme présents ; que l’acte litigieux commence à produire ses effets ; que la procédure porte atteinte aux intérêts des élèves exclus ; que la décision de suspension n’aurait aucun caractère dommageable pour les élèves qui peuvent se présenter aux épreuves normales ;

Vu la requête enregistrée sous le n° 0104741 tendant à l’annulation des décisions dont la suspension d’exécution est demandée et ladite décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er février 2001, par laquelle le Président du Tribunal administratif de Paris a désigné M. Jacques Mathieu, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 avril 2001

- le rapport de M. Mathieu, juge des référés,

- les observations de M. Prats, pour l’Union nationale inter-universitaire, requérant, lequel s’est borné à développer les moyens de sa requête,

- les observations de Me Thiriez, pour l’Institut d’études politiques de Paris, défendeur qui s’est limité à développer les moyens exposés dans son mémoire en défense ;

ladite audience ayant été tenue en présence de Mme Levin, greffier ;

Considérant que même si les épreuves de sélection pour l’accès à l’Institut d’études politiques de Paris, instituées par la délibération contestée, en date du 26 mars 2001, doivent débutées dans les prochains jours, cette circonstance n’est pas à elle-seule de nature à justifier l’urgence au sens des dispositions qui précèdent ; que les "drames humains" qui selon l’Union nationale inter-universitaire devraient se produire si des lycéens admis selon cette procédure devait ultérieurement être exclus, sont incertains ; que, les intéressés, qui ne sont pas sans méconnaître l’opposition du requérant à cette procédure et présentent leur candidature en toute connaissance de cause, bénéficieront, en tout état de cause, des connaissances acquises pendant leur scolarité à l’Institut d’études politiques de Paris même si elle doit être interrompue ; qu’enfin, les élèves sélectionnés selon cette procédure originale s’ajouteront aux candidats recrutés selon les diverses procédures habituelles de sélection ; que, dans les circonstances de l’espèce, eu égard à l’intérêt qui s’attache à la mise en oeuvre de cette expérience, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence justifie la suspension de la délibération du 26 mars 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête n° 014739 de l’Union nationale inter-universitaire est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’Institut des études politiques de Paris tendant à la condamnation de l’Union nationale inter-universitaire au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’Union nationale inter-universitaire et à l’Institut des études politiques de Paris. Copie en sera adressée au ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Paris, le 18 avril 2001 Le juge du référé,

J. Mathieu

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article168