En admettant que la gratuité du stationnement, de courte durée, que la commune a maintenue jusqu’en août 1993 située en surface, au dessus du parc concédé, et la gratuité du stationnement instauré sur l’ensemble de la voirie et des parcs gérés par la ville durant quelques jours lors des fêtes de fin d’année, ainsi que la gratuité accordée à des agents de certains services publics, aient eu une incidence sur la fréquentation du parc souterrain, ces faits, par eux-mêmes, ne sont pas de ceux qui étaient imprévisibles au moment de la signature du contrat.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 98BX02155
COMMUNE DE TARBES
M. Choisselet
Président
M. Bichet
Rapporteur
M. Bec
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 16 janvier 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
(1ère chambre)
Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNE DE TARBES, représentée par son maire, par la SCP Peignot et Garreau, avocats ;
La COMMUNE DE TARBES demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 13 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Pau l’a condamnée à payer à la société Spie Park Tarbes une somme de 2.500.000 F (381.122,54 euros), outre intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de l’exploitation déficitaire du parc de stationnement "place de Verdun" dont la concession lui a été confiée ;
2°) de rejeter la demande de la société Spie Park Tarbes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 novembre 2002 :
le rapport de M. Bichet, premier conseiller,
les observations du directeur général des services de la commune, présent ;
les observations de Me Barraquand, avocat de la Spie Park Tarbes ;
et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par convention conclue le 15 novembre 1990 la COMMUNE DE TARBES a concédé pour une durée de trente ans à la société Spie Aménagement, à laquelle la société Spie Park Tarbes s’est substituée, la construction et l’exploitation d’un parc de stationnement souterrain situé place de Verdun ; que l’exploitation de cet ouvrage s’étant révélée déficitaire la société, qui impute cette situation à un comportement concurrentiel et déloyal de la commune, a engagé en septembre 1996 une action devant le tribunal administratif de Pau en vue d’être indemnisée des pertes subies et à venir ; que le tribunal, par le jugement attaqué, a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la COMMUNE DE TARBES à lui verser la somme de 2,5 MF en réparation du préjudice subi au titre des années 1992 à 1996 sur le fondement de la méconnaissance, d’une part de l’article 10 du contrat, d’autre part d’un principe selon lequel, même en l’absence de clause expresse, il appartient au concédant de ne pas prendre de mesures manifestement susceptibles d’empêcher le concessionnaire d’exploiter de façon rentable le service concédé ; que la COMMUNE DE TARBES fait appel de ce jugement et la société Spie Park Tarbes présente des conclusions incidentes tendant à ce que l’indemnité soit portée à la somme de 4,8 MF qu’elle avait demandée au titre de la période susmentionnée ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne l’empêchement du concessionnaire de poursuivre ses activités :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les agissements imputés à la COMMUNE DE TARBES par la société Spie Park Tarbes en sus de la méconnaissance susévoquée de l’article 10 du contrat qui les liaient n’ont pas, à les supposer même établis, empêché la société Spie Park Tarbes de poursuivre ses activités ; que c’est par suite, à tort, et alors même que l’exploitation de ladite société était déficitaire depuis l’ouverture du parc concédé, que le tribunal a estimé, pour condamner la COMMUNE DE TARBES à payer la somme de 2,5 MF, que la responsabilité de la commune devait être également engagée sur ce fondement ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l’article 10 du contrat :
Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la convention de concession du parc de stationnement situé place de Verdun à Tarbes : "Les tarifs du stationnement payant de surface et des autres parcs publics seront progressivement augmentés pour atteindre ceux du parc "Verdun" le jour de son ouverture" ; que l’article 30 de cette convention, dans sa rédaction résultant de l’avenant n° 2 signé le 11 décembre 1992 : "Les tarifs doivent répondre aux exigences d’une exploitation optimale des conditions de circulation et de stationnement. Ils sont fixés au vu d’un compte d’exploitation prévisionnel établi pour la durée du contrat. Ce compte, présenté par le concessionnaire, en francs de l’année de négociation, est joint au présent contrat. Il décrit l’évolution prévisible des tarifs ainsi que des recettes, dépenses et charges d’amortissement du service pendant la durée du contrat. Le niveau des tarifs est fixé comme suit à l’ouverture : - 80.000 F (12.195,92 euros) toutes taxes comprises pour une place amodiée pour une durée de 75 ans ; 300 F (45,73 euros) toutes taxes comprises pour une place louée au mois ; 4 F (0,61 euros) toutes taxes comprises pour un stationnement horaire. Les tarifs appliqués évolueront de la façon suivante pour les années 1993 et 1994 : à compter du 1 janvier 1993 : a) stationnement horaire 1 h, 4,50 F (0,69 euros) toutes taxes comprises¼ abonnement pour un place banalisée, voiture : 1 mois ’ 300 F (45,73 euros) toutes taxes comprises, 1 trimestre ’ 860 F (131,11 euros) toutes taxes comprises, 1 an ’ 3.300 F (503,08 euros) toutes taxes comprises à compter du 1 janvier 1994 stationnement horaire, 1 h, 5 F (0,76 euros) toutes taxes comprises¼abonnement pour une place banalisée, voiture, 1 mois 320 F (48,78 euros) toutes taxes comprises, 1 trimestre 910 F (138,73 euros) toutes taxes comprises, 1 an 3.520 F (536,62 euros) toutes taxes comprises¼au delà du 1er janvier 1994, le concessionnaire pourra faire varier les tarifs dans les conditions fixées à l’article 32..." ;
Considérant que par l’article 10 précité de la convention, la commune a pris l’engagement de porter les tarifs des places de stationnement municipal payant au niveau de ceux du parc concédé au jour de son ouverture ; que ces stipulations qui visent tous les tarifs de stationnement, qu’ils concernent la voirie ou les parcs municipaux, sans distinction de durée, et s’appliquent ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, aux tarifs d’abonnement mensuel du stationnement dans les parcs, n’ont pour objet que de mettre au même niveau, à cette date, les différents tarifs du stationnement public payant en vigueur à Tarbes ; qu’il est d’ailleurs constant qu’à la date de l’ouverture du parc de Verdun, le 6 juillet 1992, le tarif de stationnement municipal horaire était de 4 F (0,61 euros), soit au même niveau que celui dudit parc ainsi qu’il a été fixé par la convention ; que ni ces stipulations ni aucune autre clause du contrat ne faisaient obligation à la ville de faire évoluer, par la suite, les droits de stationnement sur la voirie et les redevances dans les parcs municipaux en conformité avec la progression des tarifs en vigueur dans l’ouvrage concédé, ni ne lui interdisaient de fractionner ceux-ci pour des durées inférieures à une heure ni encore d’attribuer gratuitement des cartes de stationnement dans les parcs gérés par elle ; que la commune a ainsi pu, sans méconnaître l’article 10 précité, appliquer en 1996, à un grand magasin, un tarif préférentiel de 4 F (0,61 euros) de l’heure, au lieu du tarif de 5 F (0,76 euros) alors en vigueur ; que c’est par suite, à tort que le tribunal administratif a retenu que la COMMUNE DE TARBES aurait maintenu des tarifs de stationnement horaires inférieurs à ceux du parc verdun en violation des stipulations dudit article 10 ;
Considérant, en revanche, qu’il est également constant que la COMMUNE DE TARBES a maintenu, dans le parc "Brauhauban" qu’elle gère en régie, un tarif d’abonnement mensuel de 150 F (22,87 euros) porté à 180 F (27,44 euros) en 1996 alors que celui du parc de Verdun était fixé à son ouverture à 300 F (45,73 euros) ; qu’elle ne peut utilement arguer des différences de qualité qui auraient existé entre les prestations offertes par l’ouvrage concédé, qui est récent, et celles que présentaient le parc "Brauhauban", dont l’équipement était ancien, pour s’exonérer des obligations contractuelles qui pesaient sur elle ; qu’elle ne peut utilement invoquer ni les erreurs qu’aurait commises la société Spie Aménagement en établissant son plan d’exploitation et ses études de marché, notamment en proposant de porter le nombre de places de l’ouvrage de 200, auquel les études de la ville conduisaient, à 320, ni le fait que la société Spie Park Tarbes ferait en réalité exercer le service du parking concédé par une autre société en violation de la règle de l’exercice personnel du service, son manquement aux stipulations de l’article 10 de la convention n’étant pas imputable à ces faits ; que la ville de Tarbes n’est, par suite, pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a retenu sa responsabilité à raison de la méconnaissance de l’article 10 précité de la convention de concession en ce qui concerne les tarifs d’abonnement ;
Considérant qu’il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par la société Spie Park Tarbes devant le tribunal administratif et devant la cour ;
Considérant que si la société Spie Park Tarbes a saisi la commune le 16 avril 1996 d’une demande d’indemnité à fin de rééquilibrer les conditions financières du contrat, cette demande ne peut être regardée, dans les termes dans lesquels elle est formulée, comme une demande de révision fondée sur les stipulations de l’article 34-2 du contrat ; qu’ainsi, la société qui, du reste, n’allègue pas avoir poursuivi la procédure prévue par le dernier alinéa dudit article, n’est pas fondée à soutenir que la commune aurait commis un manquement à ses obligations contractuelles en refusant de s’estimer saisie d’une demande de révision des conditions financières, et en tout état de cause en ne procédant pas à cette révision ; qu’elle n’établit pas davantage l’existence d’une faute contractuelle à la charge de la commune à raison de l’abstention alléguée de cette dernière en matière de tarification et de modalités d’utilisation du parc concédé ;
Considérant que la société Spie Park Tarbes se prévaut aussi du droit à l’équilibre financier du contrat en invoquant les stipulations de son article 31 ; que ces dernières se bornent, par elles-mêmes, à constater les conditions de l’équilibre financier celui-ci étant réputé réalisé dans des conditions normales de fréquentation ; que si, ainsi qu’il résulte des éléments produits au dossier, le taux d’occupation moyenne du parc concédé s’est révélé, dés son ouverture en juillet 1992, très inférieur aux 3 heures et 30 minutes invoquées comme correspondant à une fréquentation normale, les stipulations, relatives à la révision des conditions financières, de l’article 34-2 du contrat qui a été ajouté par l’avenant n° 2 conclu le 11 décembre 1992, soit plusieurs mois après le début de l’exploitation de ce parc, ne prévoient néanmoins pas, au nombre des cas justifiant l’ouverture de la procédure de révision, celui d’une fréquentation inférieure au taux précité ; que si la société fait état d’une promesse que lui aurait faite la commune de lui confier la gestion du parc "Brauhauban" afin de rendre rentable l’exploitation de chacun de ces deux parcs, cette dernière n’a été traduite ni dans le contrat ni dans aucun autre document dont la société pourrait se prévaloir ;
Considérant, enfin, qu’en admettant que la gratuité du stationnement, de courte durée, que la commune a maintenue jusqu’en août 1993 sur la place Verdun, située en surface, au dessus du parc concédé, et la gratuité du stationnement instauré sur l’ensemble de la voirie et des parcs gérés par la ville durant quelques jours lors des fêtes de fin d’année, même si, à cette époque l’affluence est importante, ainsi que la gratuité accordée à des agents de certains services publics, notamment dans le parc Brauhauban et encore les carences, à les supposer établies, de la commune dans la mise en œuvre de la surveillance et de la poursuite des infractions aux règles du stationnement sur la voirie, aient eu une incidence sur la fréquentation du parc souterrain, ces faits, par eux-mêmes, ne sont pas de ceux qui étaient imprévisibles au moment de la signature du contrat ; que certaines pratiques, telle l’attribution gratuite de cartes de stationnement aux agents de certains services publics, avaient d’ailleurs cours à ce moment là, et n’ont pas apporté aux conditions d’exploitation de la concession des modifications de nature à ouvrir à la société requérante un droit à indemnité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Spie Park Tarbes n’est pas fondée à rechercher pour l’ensemble de ces griefs la responsabilité de la COMMUNE DE TARBES ;
Sur l’existence d’un préjudice et sa réparation :
Considérant que l’instruction n’a pas permis d’établir les éléments permettant à la cour de déterminer si, et dans quelle mesure, l’application d’un tarif d’abonnement mensuel nettement inférieur à 300 F (45,73 euros) par les autres parcs publics de la ville de Tarbes, particulièrement celui de "Brauhauban" qui, situé à proximité du parc Verdun, comporte une capacité de 930 places réparties sur plusieurs niveaux et qui, durant la période en litige, présentait, eu égard à l’état général de ses équipements et de ses conditions d’accès, des prestations de qualité inférieure à celles du parc concédé, a eu des conséquences sur la fréquentation du parc Verdun ; qu’il y a lieu, par suite, d’ordonner sur ces points une expertise ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 octobre 1998 est annulé en tant qu’il a retenu la responsabilité de la COMMUNE DE TARBES à l’égard de la société Spie Park Tarbes sur d’autres fondements que celui de la méconnaissance de l’article 10 du contrat de concession et sur d’autres motifs que celui susmentionné, relatif au tarif d’abonnement.
Article 2 : Il sera avant de statuer sur les autres moyens invoqués par la COMMUNE DE TARBES à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Pau, et sur les conclusions incidentes présentées par la société Spie Park Tarbes, procédé par un expert à une expertise aux fins de déterminer si l’exploitation du parc de stationnement de Verdun a subi un préjudice durant la période allant de juillet 1992 à septembre 1996, du fait de l’application, par la ville de Tarbes dans les autres parcs publics, notamment dans le parc "Brauhauban", d’un tarif d’abonnement nettement inférieur à 300 F (45,73 euros) et, dans l’affirmative, d’estimer le montant de ce préjudice.
Article 3 : L’expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 de R. 621-14 du code de justice administrative.
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