Cour administrative d’appel de Paris, 22 janvier 2003, n° 99PA00165, M. Spas-Dimotrov S.

Après avoir caractérisé les bourses de D.E.A. comme attribuées en fonction de critères universitaires, le ministre ne pouvait légalement subordonner l’appréciation du droit à leur obtention à une condition sans rapport avec le mérite de l’étudiant et tenant, s’agissant des étudiants étrangers non ressortissants communautaires, à la résidence de leurs parents et des autres enfants à la charge de ceux-ci.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 99PA00165

M. S.

M. SIMONI
Président

M. RATOULY
Rapporteur

Mme FOLSCHEID
Commissaire du Gouvernement

Séance du 8 janvier 2003
Lecture du 22 janvier 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

(3ème chambre A)

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 janvier 1999, présentée pour M. Spas-Dimotrov S. par Me COURREGE, avocate ; M. S. demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9803408/7 du 14 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait une appréciation insuffisante du préjudice qu’il a subi du fait du rejet d’une bourse de diplôme d’études approfondies en condamnant l’Etat à lui verser une somme de 3 000 F ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 22 000 F correspondant à l’allocation d’études dont il aurait dû bénéficier ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 5 000 F en réparation du préjudice qu’il a subi résultant du retard mis par l’administration à lui accorder l’allocation susmentionnée ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 5 000 F en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence ;

5°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 3 000 F au titre de ses frais irrépétibles ;

6°) de condamner l’Etat à des injonctions de faire et d’astreinte ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le décret du 9 janvier 1925 ;

VU la circulaire n° 95-185 du 21 août 1995 du ministre de l’éducation nationale ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2003 :
- le rapport de M. RATOULY, président,
- et les conclusions de Mme FOLSCHEID, commissaire du Gouvernement ;

Sur l’appel incident du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie :

Considérant qu’aux termes du chapitre 110 de la circulaire du ministre de l’éducation nationale en date du 21 août 1995, publiée au bulletin officiel de l’éducation nationale du 7 septembre 1995 : " Les bourses de D.E.A. peuvent être attribuées aux étudiants français et aux étudiants étrangers suivants, sous réserve qu’ils résident effectivement en France : les étudiants andorrans ; les étudiants ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne ; les étudiants dont l’un des parents ou le tuteur légal est ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ; les étudiants titulaires de la carte de réfugié ou d’apatride délivrée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; les étudiants étrangers dont les parents non ressortissants communautaires (père et mère) ainsi que les autres enfants à charge résident en France depuis au moins deux ans... " ;

Considérant que l’article 15 du décret susvisé du 9 janvier 1925 dispose que " des décrets et des arrêtés ministériels règleront les conditions particulières... d’attribution des bourses nationales dans l’enseignement supérieur... " ; qu’il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. S., le ministre de l’éducation nationale était compétent pour définir, comme il l’a fait, par la circulaire en date du 21 août 1995, les critères d’attribution des bourses de D.E.A., qui sont des bourses nationales ;

Considérant qu’aux termes de la circulaire ministérielle du 21 avril 1995 : " Les bourses de D.E.A. sont destinées aux étudiants préparant un diplôme d’études approfondies dans un établissement d’enseignement supérieur habilité à le délivrer. A la différence des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux accordées aux étudiants des premier et second cycles universitaires, les bourses de D.E.A. sont des aides contingentées attribuées sur critères universitaires " ; qu’après avoir ainsi caractérisé les bourses de D.E.A. comme attribuées en fonction de critères universitaires, le ministre ne pouvait légalement, comme il l’a fait au chapitre 110 du même texte, subordonner l’appréciation du droit à leur obtention à une condition sans rapport avec le mérite de l’étudiant et tenant, s’agissant des étudiants étrangers non ressortissants communautaires, à la résidence de leurs parents et des autres enfants à la charge de ceux-ci ; que, par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions en date des 16 octobre 1997 et 16 janvier 1998 par lesquelles le chef du service des bourses de l’Université Paris I et le directeur au centre régional des œuvres universitaires de Paris ont rejeté la demande d’attribution de bourses de D.E.A. de M. S. au motif que les parents de celui-ci ne satisfaisaient pas à la condition de résidence précitée ; que le recours incident du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie doit, en conséquence, être rejeté ;

Sur l’appel principal de M. S. :

Considérant, en premier lieu, que les bourses de D.E.A. étant attribuées sur des critères universitaires et étant contingentées, c’est sans commettre d’erreur que les premiers juges ont renvoyé M. S. devant l’administration pour qu’il soit statué sur le bien-fondé de sa demande au regard de tels critères et compte-tenu des circonstances de fait et de droit qui conditionnaient l’attribution des bourses de D.E.A. pour l’année universitaire 1997-1998 ;

Considérant, en deuxième lieu, que par décision du 31 mars 1999, l’administration, en exécution du jugement attaqué, a estimé que, compte-tenu de ses résultats universitaires, M. S. n’aurait pu obtenir la bourse de D.E.A. qu’il sollicitait et a, par suite, après réexamen, rejeté sa demande ; que, si M. S. demande, en réparation du préjudice que lui causerait cette dernière décision, la condamnation de l’Etat à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 21 546 F, de telles conclusions relèvent d’un litige distinct de celui qui a été soumis au tribunal administratif dans l’instance ayant donné lieu au jugement attaqué et doivent, pour ce motif, être rejetées ;

Considérant, en dernier lieu, que les premiers juges n’ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice subi par M. S., et lié au seul retard apporté par l’administration à l’examen de sa demande initiale, en condamnant l’Etat à lui verser une somme de 3 000 F ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions de M. S. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. S. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. S. est rejetée.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1622