Conseil d’Etat, 19 mars 2003, n° 216909, M. Maurice S.

Double peine : Dès lors que le requérant s’était rendu coupable d’infractions à la législation sur les stupéfiants et avait participé de façon active à l’organisation d’un trafic de stupéfiants en état de récidive, le ministre de l’intérieur n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que l’expulsion du requérant constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 216909

M. S.

M. Fanachi
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 février 2003
Lecture du 19 mars 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 31 mai 2000, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Maurice S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 12 novembre 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 26 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 2 octobre 1996 du ministre de l’intérieur ordonnant son expulsion du territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d’Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. S.,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les moyens tirés de la motivation insuffisante de l’arrêté d’expulsion et de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont présentés, pour la première fois, devant le juge de cassation ; qu’ils sont, dès lors, irrecevables ;

Considérant qu’aux termes de l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L’expulsion peut être prononcée (...) b) lorsqu’elle constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, par dérogation à l’article 25" ;

Considérant qu’après avoir relevé que M. S. s’était rendu coupable, de mars à novembre 1993, d’infractions à la législation sur les stupéfiants et avait participé de façon active à l’organisation d’un trafic de stupéfiants portant sur l’acquisition et la revente d’héroïne, de cocaïne et de cannabis, faits commis en état de récidive légale pour lesquels il avait été condamné à une peine de quatre années d’emprisonnement, la cour administrative d’appel de Paris a pu légalement déduire de ces faits qu’en dépit de la circonstance que M. S. a manifesté, à la suite de sa libération conditionnelle le 29 mars 1996, sa volonté de réinsertion, le ministre de l’intérieur n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que l’expulsion du requérant constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;

Considérant que la cour a écarté le moyen tiré du détournement de procédure, qui résulterait du recours à l’article 26 b) de l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour fonder l’arrêté d’expulsion de M. S., afin d’éviter à l’administration de rendre effective la protection que celui-ci tenait de l’article 25-2° de cette ordonnance en raison de sa résidence habituelle en France depuis l’âge de huit ans, après avoir déduit, comme elle pouvait légalement le faire, des circonstances de l’espèce que l’expulsion de M. S. constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de censure du détournement de procédure doit être écarté ;

Considérant enfin qu’après avoir relevé que si M. S., célibataire, sans enfant, est entré en France, à l’âge de huit ans, y réside depuis lors avec toute sa famille d’origine marocaine, et que si son père, son frère et sa soeur ont acquis la nationalité française, la cour a estimé que, compte tenu de la dangerosité de son comportement, la mesure d’expulsion prise à son encontre n’avait pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que ce faisant, la cour administrative d’appel de Paris a donné des faits sur lesquels elle s’est fondée une exacte qualification juridique ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 12 novembre 1999 de la cour administrative d’appel de Paris, qui est suffisamment motivé ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. S. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice S. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1610