Conseil d’Etat, 19 mars 2003, n° 228229, Consorts T.-B.

Il appartenait à la juridiction administrative de connaître des contestations relatives à la délimitation du domaine public maritime et le tribunal administratif était compétent, en application de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, pour interpréter les actes de vente ou procès-verbaux des adjudications de biens nationaux.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 228229

Consorts T.-B.

M. El Nouchi
Rapporteur

M. Bachelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 février 2003
Lecture du 19 mars 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2000 et 19 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat , présentés pour M. T.-B. et autres ; les requérants demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 26 septembre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 26 mars 1997 annulant le refus implicite opposé par le préfet de la région Languedoc-Roussillon à la demande de la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots tendant à ce qu’il engage des poursuites à leur encontre pour contravention de grande voirie et, d’autre part, au rejet de la demande de la Prud’homie des pêcheurs de Palavas-les-Flots et à la condamnation de celle-ci à leur verser une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 mars 1997 et de rejeter les demandes de la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots ;

3°) de condamner la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots et à leur verser la somme de 4 573,47 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code du domaine de l’Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. T.-B. et autres,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots a demandé au préfet de l’Hérault d’engager des poursuites pour contravention de grande voirie à l’encontre de M. T.-B. et de Mme de Miollis pour avoir implanté dans la partie orientale de l’étang de Mauguio des piquets en vue d’y interdire la navigation, la chasse et la pêche ; que le tribunal administratif de Montpellier, après avoir considéré que la partie de l’étang de Mauguio en cause était une dépendance du domaine public maritime, a annulé le refus implicite né du silence gardé par l’autorité préfectorale ; que les consorts T.-B. contestent l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui, sur leur appel et celui des consorts de Miollis, a confirmé le jugement attaqué ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le dernier mémoire présenté par la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots est parvenu au greffe de la cour, sous forme de télécopie, le 22 mai 2000, soit avant la clôture de l’instruction fixée au 23 mai 2000 à douze heures ; qu’il a été confirmé par un mémoire reçu le 24 mai ; que dès lors, en visant le mémoire du 22 mai 2000, la cour n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, reprises à l’article R. 613-3 du code de justice administrative ;

Considérant qu’en jugeant qu’il appartenait à la juridiction administrative de connaître des contestations relatives à la délimitation du domaine public maritime et que le tribunal administratif était compétent, en application de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, pour interpréter les actes de vente ou procès-verbaux des adjudications de biens nationaux, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’elle n’a pas davantage méconnu la compétence de la juridiction administrative en se fondant, pour se prononcer sur l’étendue de la propriété ayant fait l’objet d’une vente nationale, tant sur le procès-verbal du 16 vendémiaire an VI de la vente par adjudication des biens ayant appartenu à une communauté religieuse que sur un état descriptif des biens de cette communauté établi le 10 juin 1755 ou un acte de vente du 22 novembre 1822, dont elle a pu, pour ces deux derniers documents, estimer, implicitement mais légalement, qu’ils ne soulevaient pas de difficulté sérieuse d’interprétation ;

Considérant que pour estimer, par un arrêt suffisamment motivé, que l’étang de Mauguio était un étang salé, en communication naturelle avec la mer et peuplé de poissons de mer, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine qui, exempte de dénaturation, n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation ; qu’elle a légalement déduit de ces constatations que cet étang appartenait en principe au domaine public maritime ; que les requérants ne peuvent utilement critiquer la cour d’avoir fait état, à titre surabondant, de plusieurs décisions de justice antérieures reconnaissant ce caractère de domanialité publique ; qu’en relevant que les documents produits au dossier, qui ne comportaient pas de précisions suffisantes sur la consistance et les limites du bien ayant fait l’objet de la vente nationale du 16 vendémiaire an VI, ne permettaient pas d’établir que les parcelles immergées litigieuses faisaient partie de cette vente nationale et avaient été, de ce fait, soustraites au domaine public maritime, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n’est pas entachée de dénaturation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer aux requérants la somme qu’ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts T.-B. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre T.-B., à M. Frédéric-Jacques T.-B., à M. Jean-Luc T.-B., à M. Jean-Régis T.-B., à M. Dominique T.-B., à M. Patrice T.-B., à M. Anne T.-B. épouse R., à M. Antoine T.-B., à M. Rémy T.-B., à M. Olivier T.-B., à la Prud’homie des patrons-pêcheurs de Palavas-les-Flots, au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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