Il résulte des dispositions combinées des articles 18 et 21 de la loi du 12 avril 2000 que, sauf dans le cas où un décret en Conseil d’Etat prévoit un délai différent, le silence gardé pendant plus de deux mois par les autorités administratives sur les recours gracieux ou hiérarchiques qui leur ont été adressés à compter du 1er novembre 2000, date à laquelle sont entrés en vigueur ces articles en application de l’article 43 de la même loi, ont fait naître une décision implicite de rejet. Il résulte également de la combinaison des articles 18 et 19 de la même loi qu’à compter de l’entrée en vigueur du décret du 6 juin 2001 pris notamment pour l’application de cet article 19, le délai de recours ne court à l’encontre d’une telle décision implicite que si le recours gracieux ou hiérarchique, adressé après cette date, a fait l’objet d’un accusé de réception comportant les mentions exigées par l’article 1er du décret précité.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 243427
PREFET DE L’HERAULT
c/ M. H.
M. Bardou
Rapporteur
M. Austry
Commissaire du gouvernement
Séance du 24 janvier 2003
Lecture du 19 février 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunie)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 21 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE L’HERAULT ; le PREFET DE L’HERAULT demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 25 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 15 janvier 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Lahcen H. ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. H. devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
Vu le çode de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l’étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...)" ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. Lahcen H., de nationalité marocaine, s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après la notification de la décision du PREFET DE L’HERAULT du 16 juillet 2001 lui refusant la délivrance d’un titre de séjour et l’invitant à quitter le territoire ; qu’il se trouvait ainsi dans le cas visé au 3° du I de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d’un étranger à la frontière ;
Considérant qu’aux termes de l’article 12 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "(...) La commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article 12 bis (...)" ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. H., qui est célibataire et sans charge de famille, n’établit ni avoir constitué une cellule familiale sur le territoire national, ni se trouver dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine, ni justifier d’une résidence habituelle depuis plus de dix ans en France à la date du 16 juillet 2001 ; qu’il n’était donc pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 3° et du 7° de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet n’était pas tenu de consulter, en application de l’article 12 quater précité, la commission du titre de séjour ; qu’il suit de là que c’est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s’est fondé sur le moyen tiré de l’absence de cette consultation pour annuler l’arrêté de reconduite à la frontière du 15 janvier 2002 ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. H. ;
Sur l’exception d’illégalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 18 et 21 de la loi du 12 avril 2000 que, sauf dans le cas où un décret en Conseil d’Etat prévoit un délai différent, le silence gardé pendant plus de deux mois par les autorités administratives sur les recours gracieux ou hiérarchiques qui leur ont été adressés à compter du 1er novembre 2000, date à laquelle sont entrés en vigueur ces articles en application de l’article 43 de la même loi, ont fait naître une décision implicite de rejet ; qu’il résulte également de la combinaison des articles 18 et 19 de la même loi qu’à compter de l’entrée en vigueur du décret du 6 juin 2001 pris notamment pour l’application de cet article 19, le délai de recours ne court à l’encontre d’une telle décision implicite que si le recours gracieux ou hiérarchique, adressé après cette date, a fait l’objet d’un accusé de réception comportant les mentions exigées par l’article 1er du décret précité ;
Considérant qu’à l’appui de ses conclusions dirigées contre l’arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. H. excipe de l’illégalité de la décision du 16 juillet 2001, notifiée le 18 juillet 2001, lui refusant la délivrance d’un titre de séjour ; qu’il a formé à l’encontre de cette dernière décision un recours gracieux qui, reçu le 12 septembre 2001, a été implicitement rejeté le 12 novembre 2001 par le PREFET DE L’HERAULT ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ce recours gracieux a fait l’objet d’un accusé de réception comportant les mentions exigées par l’article 1er du décret du 6 juin 2001 et transmis à M. H. ; que dès lors l’exception d’illégalité soulevée par M. H. à l’encontre du refus de séjour, qui n’est pas devenu définitif, est recevable ;
Considérant que le secrétaire général de la préfecture de l’Hérault, qui a signé la décision de refus de séjour, avait reçu du préfet une délégation de signature régulièrement publiée à cet effet ; que pour les raisons indiquées plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour a porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ou est entaché d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé ; que dès lors que M. H. n’entrait dans aucune des catégories d’étrangers dispensés en application de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 de produire les documents mentionnés au 2° de l’article 7 du décret du 30 juin 1946 dans sa rédaction issue du décret du 5 mai 1999, le PREFET DE L’HERAULT pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour au motif qu’il n’était pas muni d’un visa de long séjour ; qu’il résulte de ce qui précède que M. H. n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision du 16 juillet 2001 lui refusant un titre de séjour ;
Sur les autres moyens dirigés contre l’arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Philippe Vignes, secrétaire général de la préfecture de l’Hérault, qui a signé l’arrêté de reconduite à la frontière attaqué, avait reçu du PREFET DE L’HERAULT, par arrêté du 14 décembre 2001 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 17 décembre 2001, délégation de signature " l’effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l’Etat dans le département de l’Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l’Etat à l’exception des réquisitions prise en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l’organisation générale de la nation pour les temps de guerre" ; que l’arrêté de reconduite à la frontière attaqué a ainsi été signé par une autorité compétente ;
Considérant que, pour les raisons ci-dessus exposées, l’arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. H. à une vie familiale et n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L’HERAULT est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 15 janvier 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. H. ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 du code de justice administrative ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. H. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 janvier 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier par M. H. est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. H. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L’HERAULT, à M. Lahcen H. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
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