L’exercice d’activités privées lucratives par les agents à temps non complet

Par Philippe TEYSSIER
Directeur territorial

La modification, par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 du 2ème alinéa de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires et la parution du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003 relatif aux cumuls d’activités et de rémunérations des agents mentionnés à l’alinéa 2 de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (JO du 10) autorisent, sous certaines conditions, les agents à temps non complet à exercer des activités privées lucratives.

L’objet de la présente étude est de présenter ces nouvelles possibilités, en les resituant dans le cadre du principe d’interdiction qui gouvernait ce domaine jusqu’à présent, tout en faisant état de questions qui semblent rester en suspens.

I - Le principe est celui de l’interdiction

En matière de fonction publique, le principe est que toute activité professionnelle et lucrative étrangère au service est interdite aux fonctionnaires et assimilés, y compris aux membres des cabinets ministériels et des collectivités locales ainsi qu’aux non titulaires, en application du 2ème alinéa de l’article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale selon lequel « les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées aux articles 3 [remplacement temporaire d’agent en maladie, besoins saisonniers, etc.] et 25 [agents recrutés par les centres de gestion pour des missions temporaires ou des remplacements de titulaires des communes] de la présente loi ainsi que ceux recrutés dans les conditions prévues par la section II du chapitre III [emplois fonctionnels à recrutement direct de l’article 47] et par l’article 110 [collaborateurs de cabinet] sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles … 25 … » de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée précitée.

Cette interdiction concerne tous les personnels des services publics, même concédés ou à caractère industriel et commercial.

Elle découle d’un principe législatif dont les conditions d’application, et éventuellement les cas de dérogation, sont du ressort du décret en Conseil d’Etat. L’ensemble s’applique à toute la fonction publique au sens large, de la même façon que le cumul d’activités salariées est limitée par le Code du travail.

L’interdiction découle du 1er alinéa de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée précitée selon lequel « les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».

Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l’article L. 324-1 du code du travail selon lequel « il demeure interdit dans les conditions fixées par les dispositions en vigueur aux fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics de l’Etat, des départements et des communes offices et établissements publics, aux personnels commissionnés aux titulaires de la société nationale des chemins de fer français ou des réseaux de chemins de fer d’intérêt local et autres services concédés, compagnies de navigation aériennes et maritimes subventionnées, régies municipales et départementales, directes ou indirectes, ainsi qu’au personnel titulaire des organismes de sécurité sociale, d’occuper un emploi privé rétribué ou d’effectuer à titre privé, un travail moyennant rémunération. Demeurent notamment applicables les dispositions du décret modifié du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites et de rémunérations et de fonctions ».

II - Les dérogations au principe d’interdiction

1 - Définition de l’activité privée lucrative

L’activité privée lucrative peut se définir comme toute activité, qu’elle soit libérale, commerciale ou salariée, permanente, temporaire ou même occasionnelle, effectuée contre rémunération.

Le juge a une conception très extensive de la notion d’activité privée lucrative. Est ainsi considérée comme lucrative une activité même si elle ne dégage aucun profit, voire si elle est déficitaire (CE, 8 octobre 1990, Ville de Toulouse, Rec. p. 270).

De même, est qualifiée d’activité à but lucratif, et incompatible avec la qualité de fonctionnaire, le fait d’avoir la qualité de dirigeant d’une entreprise, et ce, même si l’entreprise ne dégage aucun bénéfice, l’intention étant quand même la recherche de bénéfice et, par voie de conséquence, d’une rémunération (CE avis adm., 9 février 1949, n° 245963 ; CE, 3 novembre 1999, M. Marajo, Req. n° 185474).

Il peut également s’agir de la participation à la direction ou à la gestion d’une entreprise (CE, 15 décembre 2000, Ministre de l’Education, Req. n° 148080).

2 - Les dérogations antérieurement consenties

Elles concernent soit l’ensemble des agents, soit les seuls agents à temps non complet.

2.1 - Concernant les agents à temps complet ou non complet

Ces dérogations sont prévues par l’article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936 modifié relatif aux cumuls de retraite, de rémunérations et de fonctions, qui, en l’absence de parution du décret annoncé par le statut général, continue à s’appliquer (CE, 8 février 1967, Sieur Pagnol, Rec. T. p. 840).

Selon l’alinéa 2 de l’article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936 précité, « les fonctionnaires, agents et ouvriers peuvent effectuer des expertises ou donner des consultations sur la demande d’une autorité administrative ou judiciaire, ou s’ils y sont autorisés par le ministre ou le chef de l’administration dont ils dépendent. Ils peuvent également, dans les mêmes conditions, être appelés à donner des enseignements ressortissant à leur compétence ».

Une restriction cependant : un agent public ne peut donner des consultations, procéder à des expertises et plaider en justice dans les litiges intéressant une administration ou une personne publique, à moins d’exercer ses fonctions à son profit (art. 3, al. 4, décret-loi du 29 octobre 1936).

Il convient de rappeler que les agents autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel sont exclus du bénéfice de ces dispositions, en application de l’article 60 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

a) Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936 n’ont pas pour effet de dispenser d’une autorisation préalable.

Ainsi, un médecin à temps complet d’un sanatorium public départemental ne peut donner sans autorisation des consultations à une clientèle privée (CE, 11 mai 1960, Sieur Marmet, Rec. p. 320).

De même, un président d’université est fondé à refuser de verser une rémunération à un professeur d’université pour des enseignements assurés dans une autre université sans autorisation préalable (CE, 26 juillet 1996, M. Rouhette, Req. n° 112314).

b) Concernant la notion « d’enseignement ressortissant de la compétence », elle s’apprécie strictement, et par rapport aux seules fonctions exercées par l’agent au sein de l’administration.

Ainsi, un agent exerçant ses fonctions au sein d’un service du contentieux de l’urbanisme au sein d’une Direction Départementale de l’Equipement, ne peut, malgré qu’il détienne le certificat d’aptitude professionnelle à l’enseignement de la conduite automobile, exercer des fonctions de moniteur dans une auto-école (CE, 22 mars 1991, M. Boyer de la Giroday, Req. n° 96877).

De même, un agent principal de l’administration militaire n’a pu être légalement autorisé à donner contre rétribution, même en dehors de ses heures de service, un enseignement de judo qui est sans rapport avec les fonctions exercées par l’intéressé (CE, 22 mai 1992, Giacona, Req. n° 123625).

En revanche, par exemple, un professeur d’enseignement artistique, ou un maître-nageur sauveteur, pourraient, après autorisation de leur autorité territoriale, donner, pour leur propre compte ou pour celui d’une association, des cours particuliers si cet enseignement ressort des compétences qu’ils exercent pour leur employeur public.

c) Cas particuliers des syndics de copropriété et des architectes

• Syndic : n’est pas considérée comme une activité privée lucrative interdite la fonction occasionnelle de syndic de copropriété limitée à la seule administration de l’immeuble dont le fonctionnaire est copropriétaire dès lors que cette entreprise est compatible avec l’exercice normal de fonctions administratives (Rép. Min., JOAN, Q., 21 octobre 1979, p. 8685). Mais il ne s’agit que d’une réponse ministérielle, à prendre avec toutes les réserves d’usage ;

• Architectes : En application des dispositions du décret n° 81-420 du 27 avril 1981, les architectes exerçant dans les collectivités territoriales en tant que non titulaire ou dans le cadre d’emplois des ingénieurs, bénéficient, sur autorisation de l’autorité territoriale, du droit d’exercer, à titre libéral, des missions de conception et de maîtrise d’œuvre pour le compte d’autres collectivités publiques ou au profit de personnes privées. Sauf autorisation spéciale, ils ne peuvent exercer dans l’aire géographique où ils ont compétence en qualité de fonctionnaire ou d’agent public. Dans tous les cas, ils ne peuvent utiliser ni les moyens en matériel, ni ceux en personnel de la collectivité dont ils dépendent. Ceux qui n’exercent pas leurs fonctions à temps plein relèvent de dispositions particulières prévues par le décret n° 81-420 du 27 avril 1981 précité. Dans l’exercice de ces activité, ces agents restent soumis aux règles définies par le décret-loi du 29 octobre 1936 précité, notamment en terme de limite de rémunération.

2.2 - Concernant les seuls agents à temps non complet

En sus des dérogations ci-dessus, les seuls agents à temps non complet bénéficient de dispositions dérogatoires supplémentaires.

a) L’article 45 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture dispose qu’« un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions dans lesquelles une personne exerçant à titre principal une activité professionnelle non salariée agricole peut occuper à titre accessoire un emploi à temps non complet dans une collectivité locale ». Aucun décret d’application de cette mesure n’est paru avant la publication du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003 précité, qui semble avoir vocation à s’appliquer à la situation ci-dessus, malgré l’absence de mention de cette loi dans les visas dudit décret.

Ces dispositions ne concernent que les « propriétaires » de terres agricoles qui ne pourront qu’être employés, à titre accessoire, par une collectivité, mais à temps non complet.

b) L’article 31-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée relative à l’organisation et à la promotions des activités physiques et sportives, dans sa rédaction issue de l’article 27 de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, dispose que « les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics occupant un emploi pour une durée inférieure à la moitié de la durée légale du travail peuvent être autorisés par l’autorité territoriale à cumuler cet emploi avec l’exercice rémunéré d’une activité sportive dans une association sportive ou une société mentionnée à l’article 11 [société à responsabilité limitée, société anonyme à objet sportif, société anonyme sportive professionnelle, société d’économie mixte sportive locale constituée avent la parution de la loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999]. Les rémunérations afférentes à ces activités peuvent être cumulées dans la limite d’un montant fixé par référence à celui de la rémunération perçue au titre de leur emploi public.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article ainsi que le mode de calcul du traitement mentionné à l’article [il convient de lire « alinéa »] précédent ».

Aucun décret d’application de cette mesure n’étant paru avant la publication du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003 précité, ce dernier semble également avoir vocation à s’appliquer également à la situation ci-dessus, malgré l’absence de mention de cette loi dans les visas dudit décret.

c) Le 3ème alinéa de l’article 25 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, dans sa rédaction issue de l’article 21-II de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2002, dispose que « lorsque, dans le cadre des dispositions de l’alinéa ci-dessus, les besoins des communes de moins de 2 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale composés exclusivement de communes de cette catégorie permettent le recrutement d’un agent à temps non complet pour l’exécution de tâches du niveau de la catégorie C et pour une durée de service au moins égale au quart de la durée légale du travail, les centres de gestion peuvent procéder à un recrutement pour une durée supérieure et mettre l’agent, avec son accord, pour le temps restant disponible, à disposition d’un ou plusieurs employeurs privés auprès desquels il peut accomplir toute activité compatible avec son emploi public au regard des règles régissant les cumuls d’emplois publics et privés. Cette mise à disposition fait l’objet d’une convention qui prévoit le remboursement par le ou les employeurs privés au centre de gestion du salaire et des charges afférentes au prorata du temps passé à son ou à leur service. La mise à disposition prévue au présent alinéa n’est pas possible auprès d’une entreprise dans laquelle l’agent a des intérêts ».

Contrairement aux dérogations évoquées aux a) et b) ci-dessus qui concernent tous les agents publics, toutes catégories et filières confondues, celles du 3ème alinéa de l’article 25 de la loi du 26 janvier 1984 ne concernent que les agents de catégorie C, de quelque filière que ce soit.

Ces dispositions permettent à un centre de gestion de recruter un agent pour le placer sur un emploi à temps non complet dans une commune de moins de 2 000 habitants et de le mettre à la disposition d’un employeur privé, par voie de convention, pour le reste du temps de travail, jusqu’à concurrence d’un temps complet.

3 - Les nouvelles dérogations

Elles sont issues de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003.

Le 2ème alinéa de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l’article 20 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, dispose que « toutefois, les agents publics, ainsi que ceux dont le contrat est soumis aux dispositions du code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupant un emploi à temps non complet ou exerçant des fonctions impliquant un service à temps incomplet pour lesquels la durée du travail est inférieure à la moitié de la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet peuvent être autorisés à exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative dans les limites et conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

3.1 - Les agents concernés

Le décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003 fixe la « liste » des agents concernés dans son article 1er , lequel dispose que « les agents publics relevant de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, des articles 38, 104 et 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, de l’article 9 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ainsi que des articles 34 et 35 de la loi du 12 avril 2000 susvisée occupant un emploi à temps non complet ou exerçant des fonctions à temps incomplet et pour lesquels la durée du travail est inférieure à la moitié de la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet peuvent, à condition d’en informer préalablement par écrit l’autorité dont ils relèvent, exercer une activité privée lucrative dans des conditions compatibles avec leurs obligations de service et sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. L’autorité dont relève l’agent peut à tout moment s’opposer à l’exercice d’une activité privée qui contreviendrait à ces obligations. Les agents mentionnés à l’alinéa précédent sont soumis aux dispositions de l’article 432-12 du code pénal ».

Compte tenu de ces dispositions, ont donc la possibilité d’exercer une activité privée lucrative, sous réserve d’avoir une durée de travail inférieure à 17h30/35ème :

• les agents publics, fonctionnaires et non titulaires ;

• mais également, et dans les mêmes conditions, les agents de droit privé dont le contrat à durée indéterminée est soumis aux dispositions du code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, soit les agents non titulaires qui exercent des fonctions de catégorie C concourant à l’entretien ou au gardiennage de services administratifs, ou au fonctionnement de services administratifs de restauration.

Pour l’exercice d’une activité privée lucrative, le décret du 6 janvier envisage deux hypothèse : l’exercice de cette activité auprès d’une entreprise privée, mais également auprès d’une autre administration.

3.2 - L’exercice de l’activité lucrative dans le secteur privé

Les conditions d’exercice de l’activité privée lucrative dans le secteur privé sont les suivantes :
• l’agent doit en informer préalablement, et par écrit, son autorité territoriale. Il n’a pas à recueillir son autorisation comme pour les autres dérogations (Cf. 2.2 ci-dessus) ;
• l’exercice de l’activité privée lucrative doit être compatible avec les obligations de service de l’agent et ne pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. L’autorité territoriale peut s’opposer à l’exercice d’une activité privée qui contreviendrait à ces obligations, ladite décision devant être motivée en droit et en faits en application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
• l’activité privée ne doit pas entrer dans le champ d’application de l’article 432-12 du code pénal, et notamment de son 1er alinéa, qui punit de 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.

3.3 - L’exercice de l’activité lucrative dans le secteur public

L’article 2 du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2002 dispose que « les agents mentionnés à l’article 1er ci-dessus peuvent exercer auprès des administrations et services mentionnés à l’article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée une ou plusieurs activités ne constituant pas un emploi au sens de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 susvisé, à condition que la durée totale de travail n’excède pas celle afférente à un emploi à temps complet.

Ils sont tenus d’informer par écrit chacune des autorités dont ils relèvent de toute activité qu’ils exercent pour le compte d’une autre administration ou d’un autre service mentionné à l’alinéa précédent. Toutes les rémunérations perçues par les agents au titre de leurs fonctions auprès des administrations et services mentionnés au premier alinéa doivent être notifiées à l’ordonnateur du traitement initial, qui sera chargé de les centraliser et d’en établir le relevé. Les agents mentionnés à l’article 1er du décret du 16 décembre 1987 susvisé demeurent régis par l’article 2 dudit décret ».

Sont donc concernés par ces dispositions les mêmes agents que ceux visés au 2.3.1 ci-dessus, à l’exception des collaborateurs de cabinet.

Un agent à temps non complet dont le temps de travail est inférieur à 17h30/35ème pourra donc dorénavant exercer une ou plusieurs activités, par contrat, auprès des administrations de l’Etat, des régions, des communes, de leurs établissements publics, des établissements publics de santé et syndicats interhospitaliers mentionnés aux articles L. 711-6 et L. 713-5 du code de la santé publique, des hospices publics, des maisons de retraite publiques, à l’exclusion de celles qui sont rattachées au bureau d’aide sociale de Paris, des établissements publics ou à caractère public relevant des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance et maisons d’enfants à caractère social, des établissements publics ou à caractère public pour mineurs ou adultes handicapés ou inadaptés, à l’exception des établissements nationaux et des établissements d’enseignement ou d’éducation surveillée, des centres d’hébergement et de réadaptation sociale, publics ou à caractère public, mentionnés à l’article 185 du code de la famille et de l’aide sociale et du centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre.

Mais le ou les emplois exercés dans ce cadre ne devront pas constituer un emploi au sens du décret-loi du 29 octobre 1936. Cette notion d’emploi est délicate à saisir.

En effet, ne peuvent être regardées comme « emploi » au sens de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 que les fonctions qui, en raison de leur importance, suffiraient à occuper normalement à elle seules l’activité d’un agent et dont la rémunération, quelle que soit sa dénomination, constituerait, en raison de son montant, un traitement normal pour l’intéressé.

Ne répond pas à cette définition l’emploi à temps incomplet de secrétaire de mairie de moins de 2 000 habitants auquel l’intéressé consacre une dizaine d’heures de travail par semaine pour une rémunération mensuelle de 1 360 francs en 1981 (CE, 7 juin 1985, Henneguelle, rec. T. p. 661).

De même, ne constitue pas un emploi pour l’application de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 l’emploi de secrétaire de mairie d’une commune de moins de 2 000 habitants exercé à raison de 22 heures par semaine (CE, 20 mai 1994, Meunier, Rec. T. p.1012).

En revanche, des fonctions de secrétaire de mairie à temps incomplet comportant un traitement égal aux 8/10ème de celui des commis doivent, eu égard à l’importance de cette rémunération, être regardées comme ayant constitué un emploi au sens de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936, et ne peuvent être cumulées qu’à titre exceptionnel et pour une durée limitée avec un autre emploi de commis dans un bureau d’aide sociale (CE, 1er juillet 1988, Commune de Montsinery-Tonnegrande, Rec. T. p. 868).

Les conditions d’exercice de l’activité lucrative dans le secteur public sont les suivantes :
• l’agent doit en informer préalablement, et par écrit, son autorité territoriale. Il n’a pas à recueillir son autorisation comme pour les autres dérogations (Cf. 2.2 ci-dessus) ;
• la durée totale de l’ensemble des activités ne doit pas dépasser un temps complet ;
• bien que le décret, contrairement au décret-loi du 29 octobre 1936, ne prévoie pas de plafond en termes de rémunération, toutes doivent être notifiées à l’ordonnateur du traitement principal.

Contrairement aux dispositions régissant l’activité lucrative dans le secteur privé (Cf. 2.3.2 ci-dessus), il n’est pas expressément prévu, ici, de possibilité pour l’employeur principal de s’opposer à l’exercice d’une autre activité publique.

4 - Les sanctions

L’agent public ayant l’obligation de se consacrer entièrement à sa tâche, la violation de ce principe, ou des dérogations audit principe, prévues par un texte, peut entraîner une sanction disciplinaire et/ou une sanction pénale.

4.1 - Les sanctions disciplinaires

L’autorité territoriale qui apprendrait qu’un agent public exerce en plus de son emploi public une autre, sans respecter les règles ci-dessus présentées, serait à même d’infliger une sanction disciplinaire à l’intéressé.

Le juge n’exerce sur l’application des sanctions prises dans ce cadre qu’un contrôle restreint, limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Cependant, il a validé le licenciement pour faute grave d’un agent non titulaire qui exerçait les fonctions d’éboueur et qui, parallèlement, gérait un débit de boisson (CE, 19 janvier 1983, Ville de Mulhouse, Req. n° 26144).

De même, un surveillant principal dans un centre pénitentiaire qui se comporte comme gérant de fait du salon de coiffure tenu par son épouse, exerce une activité commerciale justifiant une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de 6 mois, pour violation des dispositions de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée (CE, 25 janvier 1995, Ministre de la Justice, Req. n° 120726).

4.2 - Les sanctions pénales

Elles concernent à la les agents et les employeurs :
• un fonctionnaire ou un agent public qui exerce en sus de son emploi public une activité lucrative commet une infraction prévue aux articles L. 324-1 et L. 324-3 du code du travail, infraction qui, en application des dispositions de l’article R. 362-4 du même code est punie de l’amende prévue en matière de contraventions de 5ème classe, soit, conformément à l’article 131-13 du code pénal, d’une amende de 1 500 € au plus, montant qui peut être porté à 3 000 € en cas de récidive ;
• les employeurs des fonctionnaires et agents publics relèvent des mêmes infractions et des mêmes sanctions que les personnes qu’ils emploient.

III - Les questions en suspens

L’application des mesures explicitées ci-dessus, si elles amènent des améliorations sensibles dans la situation des agents à temps non complet dont le temps de travail est inférieur à la durée légale, ne manquent cependant pas de laisser quelques interrogations en suspens.

Au moins trois questions, par ordre croissant de difficulté, semblent, dans un premier temps, devoir retenir l’attention.

1 - La détermination du temps de travail inférieur à un mi-temps

L’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ainsi que l’article 1er du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003, font état d’une durée du travail « inférieure à la moitié de la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet ».

Le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat, rendu applicable à la fonction publique territoriale par le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001, a fixé le temps de travail à temps complet des agents publics à 1 600 heures par an, soit 35 heures par semaine.

Si l’on s’en tient aux dispositions des articles 25 de la loi du 13 juillet 1983 et 1er du décret du 6 janvier 2003 et à celles des autres textes qui permettent, par dérogation au principe général d’interdiction, l’exercice de fonctions supplémentaires dès lors que l’agent a un temps de travail inférieur à la moitié de la durée légale, tous les agents à temps non complet ayant un temps de travail inférieur à 17h30/35ème deviendraient éligibles à ces dispositions.

Or, il convient de rappeler que certains agents de la fonction publique territoriale ont un temps de travail « dérogatoire » fixé par le statut particulier de leur cadre d’emplois. Il en est ainsi des professeurs territoriaux d’enseignement artistique dont le temps d’enseignement hebdomadaire, fixé à 16 heures correspond à un temps complet (art. 2, décret n° 91-857 du 2 septembre 1991), et des assistants territoriaux spécialisés d’enseignement artistique et des assistants territoriaux d’enseignement artistique dont le temps de service hebdomadaire est fixé à 20 heures (art. 2, respectivement, décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 et n° 91-861 du 2 septembre 1991).

Pour ces agents, il semble que, pour pouvoir bénéficier des dispositions examinées dans la présente, la durée de leur obligation de service doive être inférieure à 8 h par semaine pour les professeurs et à 10 h pour les assistants qualifiés et les assistants.

Pour éviter tout problème d’interprétation, il aurait été préférable que cette précision soit indiquée.

2 - Quid de la compétence des commissions administratives paritaires ?

Même si, le plus souvent, pour ne pas dire dans la quasi totalité des cas, on l’oublie, il convient quand même de rappeler que l’article 30 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dispose que « les commissions administratives paritaires connaissent … des questions d’ordre individuel résultant de l’application, notamment, de l’article 25 du titre Ier du statutgénéral des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales … », soit de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.

Contrairement à certaines dispositions législatives (par ex : art. 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 sur les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés ; art. 2 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 sur le 3ème refus successif d’une demande d’action de formation) ou réglementaires (par ex : décret n° 85-1081 du 8 octobre 1985 pour la mise à disposition ; décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 pour le détachement, certains cas de disponibilité ; etc.) qui imposent, sous peine d’annulation, l’avis préalable de la commission administrative paritaire, l’article 30 de la loi du 26 janvier 1984 reste pour le moins abscons.

La commissions administrative paritaire doit-elle émettre un avis préalable, ou doit-elle se contenter d’être tenue informée a posteriori ? Dans cette dernière hypothèse, quelle « sanction » en cas de non information de la commission administrative paritaire par l’autorité investie du pouvoir de nomination ?

Il est regrettable que le rôle des commissions administratives paritaires en l’espèce ne soit pas mieux défini. Saisies pour avis préalable, elles permettraient à l’autorité investie du pouvoir de nomination de prendre sa décision d’autorisation, quand cette dernière est requise, en meilleure connaissance de cause, et, pour les nouvelles dérogations quant aux activités privées lucratives, de mieux s’assurer de leur compatibilité avec les obligations de service des intéressés, ou pour celles s’exerçant dans le secteur public, du respect des conditions imposées.

3 - Quelle qualification juridique donner à l’activité lucrative, et quelles conséquences ?

3.1 - La qualification juridique

Si le régime juridique des activités exposées au point 2.2.1 ci-dessus et aux a) et c) du point 2.2.2 ci-dessus est clairement défini, activité accessoire soumise au décret-loi du 29 octobre 1936 pour les premières et, suivant le cas, contrat de droit public ou recrutement statutaire pour les dernières, il n’en est pas de même des autres activités dérogatoires qui relèvent dorénavant des dispositions nouvelles de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du décret n° 2003-22 du 6 janvier 2003.

Soit les activités exercées dans le cadre de ce nouveau dispositif sont juridiquement jugées comme relevant, pour tout ou partie, du décret-loi du 29 octobre 1936 et qualifiées d’accessoires, soit le nouveau dispositif est totalement exclus de la soumission aux dispositions dudit décret.

a) Pour la non soumission aux dispositions du décret-loi du 29 octobre 1936, les arguments qu’on pourrait avancer sont d’une part l’esprit même des différentes lois (1er juillet 1995, 6 juillet 2000 et 3 janvier 2001) dont l’une des préoccupations, et pas des moindres, est de permettre à des agents en situation précaire de pouvoir s’assurer des moyens de subsistance convenable en leur permettant d’exercer des activités « complémentaires » à leur activité principale.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 1er du décret du 6 janvier 2003 concernent des activités lucratives exercées dans le secteur privé, alors que le décret-loi de 1936 concerne essentiellement les cumuls d’activités dans le secteur public.

De même, alors que le décret-loi de 1936 impose obligatoirement une autorisation pour l’exercice d’activités accessoires, il est expressément indiqué par le décret du 6 janvier 2003 que seule l’information de l’autorité territoriale est requise.

Enfin, on notera que les dispositions de l’article 1er du décret du 6 janvier 2003 ne fixe aucune limite maximale, ni en terme de temps de travail « cumulé », ni en terme de « cumul » de rémunération (à l’exception des activités sportives - Cf. b du 2.2.2 ci-dessus), ni en terme de nombre d’emplois, alors que le décret-loi de 1936 impose une durée limitée dans le temps pour les activités accessoires, interdit le cumul si l’activité suffit à elle même l’activité d’un agent et si sa rémunération constitue un traitement normal, fixe un plafond de rémunération, et interdit le cumul de plus de deux emplois.

b) A contrario, le nouveau dispositif peut également laisser à penser que s’il est, pour partie, dérogatoire au décret-loi de 1936, ce dernier pourrait continuer à s’appliquer.

Dans ce sens, on peut noter que l’article 1er du décret du 6 janvier 2003 permet à l’autorité territoriale de s’opposer à l’exercice de l’activité privée lucrative pour des motifs tirés de l’incompatibilité desdites activités avec les obligations de service de l’intéressé, ou pour atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Ce sont bien des motifs identiques qui guident la décision de l’autorité territoriale pour autoriser ou non une activité accessoire qui ne doit jamais « préjudicier à l’exercice de la fonction principale » selon les termes même de l’article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936.

Par ailleurs, si l’article 2 du décret du 6 janvier 2003, qui traite du « cumul » des activités publiques, seules celles qui ne constituent pas un emploi au sens de l’article 7 du décret-loi de 1936 ne sont soumises qu’à simple information de l’autorité territoriale. A contrario, celles qui constitueraient un emploi au sens de cet article tombent sous le coup de l’interdiction édictée par le décret-loi de 1936.

De même, et bien que le décret de janvier 2003 ne prévoie pas de plafond de rémunération pour les activités exercées dans le secteur public, il impose la notification de toutes les rémunérations perçues à ce titre à l’ordonnateur du traitement initial, un peu à l’image du décret-loi de 1936 qui impose la centralisation de toutes les rémunérations perçues par l’intéressé et la tenue d’un compte de cumul.

On notera également que pour les activités sportives, les agents ne doivent pas percevoir une rémunération supérieure à celle résultant d’un montant fixé par référence à celui de la rémunération perçue au titre de leur emploi public, ce qui, bien que cette limite ne soit définie actuellement par aucun texte, fait pense, par analogie, à la limite du traitement principal perçu par l’intéressé majoré de 100 p. 100 de l’article 9 du décret-loi du 29 octobre 1936.

Enfin, le fait que les activités exercées dans le secteur public ne puissent pas permettre d’aboutir à un dépassement de la durée totale de travail afférente à celle d’un emploi à temps complet peut être rapprochée des dispositions concernant la notion d’emploi de l’article 7 du décret-loi de 1936.

3.2 - Les conséquences

La qualification juridique de ces activités n’est pas sans conséquences.

a) Si le décret-loi de 1936 ne trouve pas à s’appliquer, on peut en tirer certaines conclusions et se poser quelques questions :
• les agents bénéficieront d’un contrat de travail de droit privé pour les activités exercées dans le secteur privé (à durée déterminée, indéterminée ?), et de droit public pour celles exercées dans le secteur public. A ce titre, ils supporteront les différentes contributions au profit des différentes caisses de protection sociale et de retraite ;
• mais quid de la répercussion d’un arrêt maladie ou accident de travail occasionné par l’exercice de la ou des activités lucratives « complémentaires » sur l’activité publique initiale ? Chacun des employeurs devra-t-il en supporter financièrement la charge au prorata du temps de travail effectué au profit de chaque employeur, comme le prévoit, par exemple l’article 43 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991 modifié portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ?
• la question se pose de la même manière pour la charge de l’indemnité de licenciement par suite d’inaptitude définitive à tout emploi ;
• rien ne semble s’opposer au fait qu’un agent puisse cumuler, dans la même collectivité, et son emploi principal, et une ou plusieurs activités complémentaires, alors que, par exemple, un fonctionnaire à temps non complet ne peut, en application de l’article 9 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991 précité, être nommé dans un emploi à temps non complet de la même collectivité, d’un établissement relevant de la même collectivité ou du même établissement.

b) Si les activités sont qualifiées d’accessoires au sens du décret-loi de 1936 :
• les agents ne subissent aucun prélèvement à titre de cotisations sociales, à l’exception de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale, et de retraite, ce qui, à terme, leur est défavorable ;
• le problème de la prise en charge des maladies et accidents de travail est réglée par l’article D. 171-11 du Code de la sécurité sociale, les prestations au titre de la maladie étant celles du régime dont relève l’intéressé du fait de son activité principale, et les accidents survenus dans l’activité accessoire sont réparés comme s’ils étaient survenus dans l’activité principale ;
• le cumul d’un emploi principal et d’une activité « complémentaire » ne pourrait avoir lieu dans la même collectivité ou établissement.

Bien qu’apportant des améliorations notables pour les agents à temps non complet dont le temps de travail est inférieur à la durée légale ou réglementaire du travail des agents publics à temps complet, ces nouvelles dispositions ne manquent pas de poser de nouvelles interrogations.

Et laissent, par ailleurs, entier le problème de la précarisation des agents dont le temps de travail, pour être au moins égal ou supérieur à la moitié de durée légale ou réglementaire du travail des agents à temps complet, n’en demeurent pas moins nommés dans un emploi à temps non complet, le plus souvent subi et non choisi.

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Citation : Philippe TEYSSIER, L’exercice d’activités privées lucratives par les agents à temps non complet, 16 mars 2003, http://www.rajf.org/spip.php?article1534

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