Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 238030, Société Hyper Media

Les sociétés du groupe ont pratiqué des prix de vente identiques à ceux proposés par les entreprises de grande distribution qu’elles entendaient concurrencer, alors que le volume de leurs ventes et les conditions d’achat que leur assurait le groupement d’intérêt économique ne permettaient pas encore de rentabiliser, avec de tels prix, leur exploitation. Les déficits d’exploitation ne résultaient pas d’une contrainte imposée par les actionnaires de cette société, et que, dans la prévision des parties, ils ne devaient être que temporaires. Le concours financier apporté par la maison mère à sa filiale a constitué, au sens et pour l’application des dispositions du 2 du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, une "subvention d’exploitation" devant concourir à la détermination de la "production de l’exercice" de l’entreprise bénéficiaire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 238030

SOCIETE HYPER MEDIA

M. Fabre
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 décembre 2002
Lecture du 30 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre 2001 et 10 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE HYPER MEDIA, dont le siège est Les 100 Arpents à Sarah (45770) ; la requérante demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 29 juin 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête de la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2 tendant à la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle cette société a été assujettie au titre de l’année 1992 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE HYPER MEDIA,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, relatif aux modalités selon lesquelles la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est, sur demande du redevable, plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite par cette entreprise : "1. La valeur ajoutée mentionnée au 1 est égale à l’excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période de référence .... 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l’exercice est égale à la différence entre : d’une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d’exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l’entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l’exercice ; et, d’autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douanes compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l’exercice ...." ;

Considérant que, par l’arrêt contre lequel se pourvoit la SOCIETE HYPER MEDIA, venant aux droits de la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête présentée par cette dernière société et tendant à la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 1992, après qu’à l’issue d’un contrôle, l’administration, qui lui avait accordé le dégrèvement d’une précédente cotisation au vu d’une demande de plafonnement dans laquelle elle faisait état d’une "valeur ajoutée produite" négative au cours de l’année de référence 1990, eut estimé qu’elle s’était à tort, abstenue de rattacher à la "production de l’exercice" en tant que "subvention d’exploitation", le montant d’un abandon de créance que lui avait consenti la S.A. Média Concorde, dont elle était une filiale, afin d’assainir sa situation financière obérée par des résultats déficitaires ; que la cour administrative d’appel a jugé qu’au contraire de ce que soutenait la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2, l’administration avait à bon droit regardé ledit abandon de créance comme constitutif d’une subvention, non "d’équilibre", mais "d’exploitation", au sens et pour l’application des dispositions précitées du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel que la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2 a été créée, le 30 janvier 1989, en vue d’exploiter, à Saran (Loiret), un magasin de vente au détail de matériels électroniques, informatiques et photographiques intégré dans un nouveau réseau de distribution qu’avait entrepris de constituer en France la S.A. Média Concorde, et dont un groupement d’intérêt économique centralisait, notamment, les achats ; que les résultats déficitaires des premiers exercices de la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2 sont dus à ce que, en vue de conquérir une part du marché français, les sociétés du groupe ont pratiqué des prix de vente identiques à ceux proposés par les entreprises de grande distribution qu’elles entendaient concurrencer, alors que le volume de leurs ventes et les conditions d’achat que leur assurait le groupement d’intérêt économique ne permettaient pas encore de rentabiliser, avec de tels prix, leur exploitation ; qu’ainsi, la S.A. Média Concorde, en consentant à sa filiale un abandon de créances nées des avances qu’elle lui avait précédemment accordées, pour un montant sensiblement équivalent à celui de ses résultats déficitaires, a compensé l’insuffisance de ses produits d’exploitation courants à couvrir ses charges d’exploitation courantes, à l’exclusion de toute autre cause de perte ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la SOCIETE HYPER MEDIA, et nonobstant les circonstances, invoquées par celle-ci, que les déficits d’exploitation de la S.A.R.L. Hypermédia Electronique 2 ne résultaient pas d’une contrainte imposée par les actionnaires de cette société, et que, dans la prévision des parties, ils ne devaient être que temporaires, la cour administrative d’appel a donné aux faits dont elle était saisie leur qualification juridique exacte, en jugeant que le concours financier apporté par la S.A. Média Concorde à sa filiale avait constitué, au sens et pour l’application des dispositions du 2 du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, une "subvention d’exploitation" devant concourir à la détermination de la "production de l’exercice" de l’entreprise bénéficiaire ; que la SOCIETE HYPER MEDIA n’est, dès lors, pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE HYPER MEDIA la somme que celle-ci réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE HYPER MEDIA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE HYPER MEDIA et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1484