Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 240635, Elisabeth de R. de L.

Lorsqu’elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver l’une des sanctions ou mesures prévues notamment par les articles L. 613-15, L. 613-16 et L. 613-21 du code monétaire et financier, il appartient à la Commission bancaire, après avoir procédé à leur examen, de décider des suites à donner à la plainte. Elle dispose, à cet effet, d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. La décision qu’elle prend, lorsqu’elle refuse de donner suite à la plainte, a le caractère d’une décision administrative qui peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 240635

Mme de R. de L.

Mme Legras
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 décembre 2002
Lecture du 30 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme Elisabeth de R. de L. ; Mme de R. de L. demande au Conseil d’Etat d’annuler les décisions implicites par lesquelles la Commission bancaire a refusé d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de la succursale française de Morgan Guaranty Trust Company of New York et contre J. P. Morgan et Company SA ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et fmancier ;

Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-708 du 24 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme de R. de L., et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Commission bancaire et du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

Considérant que Mme de R. de L. a adressé à deux reprises à la Commission bancaire, le 22 juillet 1991 et le 29 mai 2001, des courriers dénonçant le préjudice que lui auraient causé les agissements des sociétés JP Morgan et Cie SA et Morgan Guaranty Trust Compagny of New-York et demandant à la Commission d’engager une enquête sur ces faits et d’ouvrir à l’encontre de ces établissements une procédure disciplinaire ;

Considérant que, lorsqu’elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver l’une des sanctions ou mesures prévues notamment par les articles L. 613-15, L. 613-16 et L. 613-21 du code monétaire et financier, il appartient à la Commission bancaire, après avoir procédé à leur examen, de décider des suites à donner à la plainte ; qu’elle dispose, à cet effet, d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge ; que la décision qu’elle prend, lorsqu’elle refuse de donner suite à la plainte, a le caractère d’une décision administrative qui peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; qu’il appartient au juge de censurer une telle décision en cas d’erreur de droit ou de fait, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de donner suite aux faits dénoncés par Mme de R. de L., la Commission bancaire s’est fondée, notamment sur ce que les faits reprochés aux établissements bancaires en cause, quelle que fût leur gravité, étaient relatifs à des infractions de droit commun et ne présentaient pas de lien direct avec la législation ou la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer ; qu’en se fondant sur de tels motifs, la Commission bancaire n’a commis ni d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme de R. de L. n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions qu’elle attaque ;

Sur les conclusions du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme de R. de L. à verser à l’Etat une sômme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme de R. de L. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Elisabeth de R. de L., à la Commission bancaire et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1478