Le juge administratif est compétent pour statuer sur le cas d’une personne engagée par "contrat local" par l’école française de Dehli qui a agi pour le compte de l’Etat et dès lors qu’il ressort de l’instruction qu’aucune stipulation soumettait l’exécution du contrat aux dispositions de la législation indienne.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 195247
M. DUPUIS
Mme Dumortier, Rapporteur
M. Schwartz, Commissaire du gouvernement
Séance du 22 juin 2001
Lecture du 11 juillet 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,
Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 mars 1998, le jugement en date du 20 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg transmet, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée à ce tribunal pour M. Patrice DUPUIS ;
Vu la demande, enregistrée le 25 juillet 1995 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, présentée pour M. DUPUIS, demeurant 13, rue des Jardins à Osthouse (67150) et tendant à ce que le juge administratif ;
1°) constate que le contrat de travail qui le liait à l’école française de Dehli, en Inde, où il enseignait la philosophie et le français, a été rompu de manière illégale par une décision du président du conseil de gestion de l’école du 26 mai 1995 et condamne conjointement l’école française de Dehli et l’Etat français à lui verser en réparation du préjudice subi une somme de 118 897,08 F majorée des intérêts légaux à compter du jour de la demande ;
2°) condamne l’Etat à lui rembourser les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,
les observations de Me Choucroy, administrateur provisoire du cabinet de Me Garaud, avocat de M. DUPUIS,
les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. DUPUIS a été engagé à compter du 24 août 1994 en qualité d’enseignant de français et de philosophie à l’école française de Dehli ; que par un courrier en date du 26 mai 1995, l’école française de Dehli lui a indiqué que son contrat ne serait pas reconduit pour l’année scolaire suivante au motif que les effectifs étaient insuffisants ;
Considérant, d’une part, qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’école française de Dehli posséderait une personnalité morale distincte de celle de l’Etat français ; qu’il ressort par ailleurs notamment de ses statuts et des clauses de la convention signée le 15 juin 1990 avec l’Etat français qu’elle a agi pour le compte de l’Etat français en recrutant M. DUPUIS comme enseignant ;
Considérant, d’autre part, que si M. DUPUIS a été recruté par "contrat local" en vertu des statuts de l’école française de Dehli il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment d’aucune des stipulations du contrat, que la commune intention des parties aurait été de soumettre l’exécution du contrat aux dispositions de la législation du travail indienne ;
Considérant qu’ainsi la juridiction administrative française est, contrairement à ce que soutient l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, compétente pour connaître de la demande présentée par M. DUPUIS ;
Considérant qu’il ressort des stipulations de l’article 3 du contrat d’engagement de M. DUPUIS que, ce contrat pouvait régulièrement être dénoncé par l’employeur en cas de suppression du poste occupé ; que toutefois, selon ces mêmes stipulations, la commission consultative paritaire locale devait être préalablement consultée ; qu’il ne ressort pas de l’instruction que tel ait été le cas lors de la dénonciation du contrat précité ; qu’ainsi, M. DUPUIS est fondé à soutenir que cette décision est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et qu’en dénonçant dans ces conditions son contrat, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, dans les circonstances de l’affaire, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. DUPUIS en condamnant l’Etat à lui verser une indemnité de 20 000 F, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision ;
Sur les conclusions de M. DUPUIS tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la demande de M. DUPUIS tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative n’est pas chiffrée ; qu’elle est par suite irrecevable et doit être rejetée ;
D E C I D E :
Article 1er : L’Etat est condamné à verser à M. DUPUIS la somme de 20 000 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice DUPUIS, à l’agence pour l’enseignement français à l’étranger et au ministre des affaires étrangères.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article145