Conseil d’Etat, 29 novembre 2002, n° 228664, M. Bernard T.

Si le refus d’autorisation opposé au requérant devait être motivé en application des dispositions de la loi de 1979, il n’en va pas de même de la mise en demeure du 28 avril 1997 qui se bornait à lui rappeler qu’il utilisait sans autorisation un local d’habitation à des fins professionnelles et à l’inviter en conséquence à rendre ce local à l’habitation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 228664

M. T.

M. Mourier
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 novembre 2002
Lecture du 29 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2000 et 20 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Bernard T. ; M. T. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 31 octobre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, après avoir annulé le jugement en date du 2 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 avril 1997 par laquelle le préfet de Paris l’a mis en demeure de rendre à l’habitation le local sis 3, rue Daru à Paris, a rejeté la demande de M. T. devant ce tribunal ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du préfet de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Mourier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de M. T.,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sur le pourvoi de M. T. :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur : "Les délais de recours contentieux contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et relevés dans l’arrêté attaqué que la décision du 25 août 1993 du préfet de Paris, rejetant la demande de M. T. tendant -à ce que soit autorisée l’affectation d’un appartement à un usage professionnel, comportait l’indication des voies et délais de recours et que si M. T. soutenait que le pli à lui adressé ne contenait que la lettre de notification et non ladite décision elle-même, il n’a pas réclamé cette décision à l’autorité compétente dans les deux mois de sa notification ; que, dès lors, la cour administrative d’appel, qui a exactement relevé ces faits, n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision de refus du 25 août 1993 et la décision confirmative du 31 mars 1994 étaient devenues définitives, faute d’avoir été contestées dans le délai de recours contentieux ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée / : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; infligent une sanction ; subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour (obtenir ; refusent une autorisation (...)" ; qu’aux termes des dispositions de l’article 8, alors en vigueur, du décret du 28 novembre 1983 susvisé : "Sauf urgence, ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l’ordre public et de la conduite des relations internationales et exception faite du cas où il est statué sur une demande présentée par l’intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée (...) ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites" ;

Considérant que si le refus d’autorisation opposé au requérant devait être motivé en application des dispositions précitées, il n’en va pas de même de la mise en demeure du 28 avril 1997 qui se bornait à lui rappeler qu’il utilisait sans autorisation un local d’habitation à des fins professionnelles et à l’inviter en conséquence à rendre ce local à l’habitation ; qu’en jugeant que cette mise en demeure n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions précitées, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. T. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer :

Considérant que le pourvoi incident du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est dirigé contre l’article 1er de l’arrêt attaqué qui annule le jugement du tribunal administratif de Paris, rejetant la demande de M. T. ; que, toutefois, par l’article 2 du même arrêt, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’intégralité de la demande de M. T. ; que, quels que soient les motifs retenus par la cour administrative d’appel pour écarter ladite demande, le ministre est sans intérêt et, par suite, sans qualité, pour demander l’annulation de l’article 1er de l’arrêt attaqué ; que son pourvoi incident est, dès lors, irrecevable ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. T. et le pourvoi incident du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard T. et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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