Toute entreprise visant à circonscrire un domaine qui serait celui des droits de l’homme ou des libertés de la personne s’expose à la double tentation du catalogue et de la (fausse) exhaustivité.

S’en tenir aux droits et libertés inventoriés dans les textes fondateurs, si prestigieux soient-ils, c’est oublier, en effet, que les textes ont une histoire et qu’ils sont eux-mêmes l’expression d’une intention et d’une stratégie politiques de leurs auteurs.

Mais, inversement, parler des droits de l’homme au pluriel et sans autre précision, en confondant ce pluriel avec la totalité des prérogatives ou facultés reconnues aux sujets de droit, par un ordre politique quelconque, c’est perdre toute chance de parvenir à une délimitation satisfaisante de ce concept.

Le juriste "spécialiste" en matière de droits de l’homme peut et doit aussi faire œuvre de doctrine dans la construction de son objet d’étude. Pour conjurer ces deux périls et parvenir à cette fin, le parti a donc été pris d’une analyse aussi réaliste que possible, sous-tendue par une conviction, les droits de l’homme ne sont pas tous les droits mais seulement ceux qui révèlent l’humanité de l’homme dans la complexité de son rapport au monde et à ce qu’il est convenu d’appeler la société civile.

Ils sont donc par là même à la fois bien plus que de simples droits subjectifs mais aussi contingents, précaires en dépit (ou à cause) de leur "objectivité" intrinsèque, plus vulnérables que d’autres aux soubresauts de la vie politique.

Robert Charvin est professeur à l’université de Nice Sophia-Antipolis, doyen honoraire de la faculté de droit et des sciences économiques de Nice. Jean-Jacques Sueur est professeur à l’université de Toulon et du Var, et directeur du Centre d’études et de recherches sur les contentieux (CERC). Michel Reydellet a prêté son concours à cette quatrième édition. [2002 - 21€]