Conseil d’Etat, 27 novembre 2002, n° 236208, Mlle Zahia B.

Les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, énumèrent de manière limitative les catégories d’étrangers pour lesquelles, par exception, les décisions opposant un refus de visa doivent être motivées. Il découle de ces dispositions que c’est uniquement dans les cas qu’elles énumèrent que la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France ou le ministre des affaires étrangères sont tenus, lorsqu’ils confiment un refus de visa opposé par une autorité diplomatique ou consulaire, de motiver leur décision.

CONSEIL D’ETAT

statuant au contentieux

N° 236208

Mlle B.

M. Lenica
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 4 novembre 2002
Lecture du 27 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mlle Zahia B., élisant domicile chez Mme Khadra B. ; Mlle B. demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2001 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France a rejeté son recours tendant au réexamen de la décision du 30 avril 2001 par laquelle le consul général de France à Alger (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour sur le territoire français ;

2°) condamne l’Etat à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Auditeur,
- les observations de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de Mlle B.,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle B., de nationalité algérienne, demande l’annulation de la décision du 28 juin 2001 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France a rejeté son recours tendant au réexamen de la décision du 30 avril 2001, notifiée à son domicile algérien, par laquelle le consul général de France à Alger (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour sur le territoire français ;

Considérant qu’aux tennes de l’article 1er du décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 : "Il est institué auprès du ministre des affaires étrangères une commission chargée d’examiner les recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France prises par les autorités diplomatiques et consulaires, dont la saisine est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier" ; qu’aux termes de l’article 5 de ce décret : "La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères d’accorder le visa demandé" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’en raison des pouvoirs ainsi conférés à la commission, les décisions par lesquelles elle rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; qu’il en est également ainsi des décisions par lesquelles le ministre des affaires étrangères décide de confirmer le refus de visa opposé à un étranger en dépit de la recommandation favorable émise par la commission en application de l’article 5 précité ;

Considérant que les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, énumèrent de manière limitative les catégories d’étrangers pour lesquelles, par exception, les décisions opposant un refus de visa doivent être motivées ; qu’il découle de ces dispositions que c’est uniquement dans les cas qu’elles énumèrent que la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France ou le ministre des affaires étrangères sont tenus, lorsqu’ils confiment un refus de visa opposé par une autorité diplomatique ou consulaire, de motiver leur décision ; qu’en l’espèce, Mlle B. n’entre dans aucune des catégories d’étrangers énumérées par l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la commission n’avait pas, dès lors, à motiver la décision par laquelle elle a rejeté le recours présenté par l’intéressée contre le refus de visa qui lui a été opposé ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en se fondant, pour refuser à Mlle B. le visa de long séjour qu’elle sollicitait, sur le fait que l’intéressée ne disposait pas de ressources personnelles suffisantes pour subvenir à ses besoins pendant son séjour et que sa nièce, qui atteste vouloir l’accueillir, ne justifiait pas de ses propres ressources, la commission, qui disposait d’un large pouvoir d’appréciation, ait entaché sa décision d’une erreur manifeste ;

Considérant qu’il ne ressort des pièces du dossier ni que la sœur de Mlle B., à laquelle ses quatre enfants majeurs peuvent porter assistance, soit dans l’impossibilité physique de se rendre en Algérie, ni que son état de santé rende nécessaire la présence permanente de la requérante auprès d’elle ; qu’ainsi, en l’absence de circonstances particulières, la décision attaquée ne pone pas au droit de Mlle B. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc pas les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mlle B. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mlle B. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mlle B. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Zahia B. et au ministre des affaires étrangères.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1412