Conseil d’Etat, 18 octobre 2002, n° 242896, M. Jean C.

Aux termes de l’article 20 bis introduit dans la loi du 11 janvier 1984 par l’article 25 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les jurys dont les membres sont désignés par l’administration sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Ces dispositions n’étaient pas suffisamment précises pour en permettre l’application avant la publication du décret en Conseil d’Etat fixant la proportion des hommes et des femmes dans les jurys de concours.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 242896

M. C.

M. Struillou
Rapporteur

M. Schwartz
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 septembre 2002
Lecture du 18 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jean C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération en date du 21 décembre 2001 par laquelle le jury du premier concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur pour le recrutement de professeurs des universités en droit public a arrêté la liste des candidats autorisés à poursuivre les épreuves du concours ;

2°) la condamnation du ministre de l’éducation nationale au versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, notamment son article 20 bis ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu l’arrêté du 13 février 1986 modifié du ministre de l’éducation nationale relatif à l’organisation générale des concours nationaux sur épreuves ouverts pour le recrutement des professeurs des universités des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 20 bis introduit dans la loi du 11 janvier 1984 susvisée par l’article 25 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : "Les jurys dont les membres sont désignés par l’administration sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article, et notamment la proportion des membres des jurys appartenant à chacun des sexes" ; que ces dispositions n’étaient pas suffisamment précises pour en permettre l’application avant la publication du décret en Conseil d’Etat fixant la proportion des hommes et des femmes dans les jurys de concours ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que la composition du jury fixée par l’arrêté du 10 juillet 2001 méconnaîtrait ces dispositions législatives doit être écarté ;

Considérant qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’accès au local où se déroulait la première épreuve orale ait été interdit au public, ni que le public ait été empêché d’y accéder ; qu’ainsi le moyen tiré par M. C., qui se borne en tout état de cause à alléguer qu’une candidate se serait opposée à ce qu’une personne assiste à son entretien avec le jury, de la violation du principe général du caractère public des épreuves orales du concours doit être écarté

Considérant qu’aux termes des 5ème et 4ème alinéas de l’article 7 de l’arrêté susvisé du 13 février 1986 : "Pour chaque candidat, deux membres du jury sont chargés par le président de préparer chacun un rapport écrit et de le présenter au jury. Le jury délibère sur ces rapports hors la présence du candidat. Il engage ensuite avec ce dernier une discussion sur ses travaux qui ne doit pas excéder quarante-cinq minutes" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. C. a été interrogé par le jury, qui n’a pas fait preuve de partialité à son égard, sur ses travaux et ouvrages ainsi que sur des sujets en rapport avec ces travaux et que l’épreuve a duré trente minutes ; que le moyen tiré de ce que l’épreuve se serait déroulée en violation des dispositions du règlement du concours ne peut, par suite, être accueilli ;

Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’arrêté du 18 février 1986 : "... le concours comprend, dans toutes les sections, deux leçons après préparation en loge pendant huit heures et une leçon après une préparation libre en vingt-quatre heures... La leçon après une préparation libre dure quarante-cinq minutes et est obligatoirement suivie d’une discussion d’un quart d’heure avec le jury" ;

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration : "Les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent" ; que le jury a porté à la connaissance des candidats le règlement du concours ainsi que des informations relatives à la documentation dont ils pourraient disposer pour la préparation des leçons en loge ; que le moyen tiré de la violation des dispositions législatives précitées et, en tout état de cause, de l’objectif constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, ne peut, par suite, être accueilli ;

Considérant que les dispositions précitées de l’arrêté du 18 février 1986, qui permettent aux candidats de se faire assister dans la préparation de leur leçon, n’introduisent par elles-mêmes aucune discrimination entre les candidats ; que, par suite, le moyen tiré par M. C. de l’atteinte illégale portée au principe d’égalité par ces dispositions ne peut qu’être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à demander l’annulation de la délibération du jury du premier concours national d’agrégation de droit public en date du 21 décembre 2001 ;

Sur les conclusions de M. C. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. C. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean C. et au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1316