Compte tenu des restrictions, les dispositions de l’article 19 de la loi de finances pour 2002 ont pu valider les dotations compensant les pertes de recettes fiscales sans violer le principe du respect des biens tel qu’il est énoncé au premier alinéa de l’article 1er du protocole additionnel.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N° 01PA04037
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ Commune de Montreuil
Mme CAMGUILHEM
Président-rapporteur
M. BOSSUROY
Commissaire du Gouvernement
Séance du 23 mai 2002
Lecture du 6 juin 2002
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(5ème chambre)
VU, enregistrés au greffe de la cour les 3 décembre 2001 et 18 février 2002, le recours et le mémoire présentés par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’WDUSTRIE ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande à la cour, d’une part, d’annuler l’ordonnance n° 01-3785 en date du 15 novembre 2001 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise statuant en référé a partiellement fait droit à la demande de la commune de Montreuil, et a condamné l’Etat à verser à cette dernière à titre de provision la somme de 7.00.000 F, et la somme de 15.000 F au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, et, d’autre part, d’en prononcer le sursis à exécution
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le protocole additionnel à cette convention ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU l’article 13 de la loi n° 82-540 du 28 juin 1982 portant loi de finances rectificatives pour 1982 ;
VU l’article 6 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987, ensemble l’article 46 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 portant loi de finances pour 1992 ;
VU l’article 19 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002 ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 mai 2002 :
le rapport de Mme CAMGUILHEM, président de chambre,
les observations de Me ROUVEYRAN, avocat, pour la commune de Montreuil,
et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés au tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la commune de Montreuil une provision de 7.000.000 F au motif que l’existence de l’obligation résultant pour l’Etat de l’intégration dans le calcul des dotations compensatoires de pertes de taxe professionnelle du produit des rôles supplémentaires de ladite taxe n’était plus sérieusement contestable, au moins pour les années 1996 à 2000 en ce qui concerne les dotations correspondant à l’abattement de 16 % et à la réduction pour embauche et investissement ;
Sur la portée de l’ordonnance attaquée :
Considérant que la demande de provision présentée au juge des référés du tribunal administratif ne comprenait pas de conclusions tendant au versement de dommages-intérêts et que la provision dont le versement a été ordonné par le juge des référés ne comporte aucune indemnisation à ce titre ; que le ministre ne peut, dès lors, valablement soutenir que l’ordonnance devrait être annulée en ce qu’elle comporterait une allocation au titre de dommages-intérêts ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit, l’ordonnance attaquée a été prise au regard de l’obligation de l’Etat concernant les dotations correspondant à l’abattement de 16 % et à la réduction pour embauche et investissement ; que le calcul de la provision a été effectué sur ces seules bases, la demande portant sur la réfaction de la fraction imposable des salaires étant exclue de ce calcul ; que la commune de Montreuil s’est bornée à défendre à la présente instance sans présenter de conclusions incidentes ; que ses développements sur son droit àbénéficier de la dotation sur les rôles supplémentaires en matière de réfaction de la fraction imposable des salaires sont, dès lors, sans portée ;
Sur l’article 19 de la loi de finances pour 2002 :
Considérant qu’aux termes de l’article 19 de la loi de finances pour 2002 "IV - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dotations versées en application du troisième alinéa du IV et du IV bis du même article 6 sont réputées régulières en tant que leur légalité serait contestée sur le fondement de l’absence de prise en compte des pertes de recettes comprises dans les rôles supplémentaires."
Considérant que le présent litige oppose la commune de Montreuil, collectivité attributaire de la taxe professionnelle, à l’Etat, collecteur de cette même taxe, à propos des sommes versées par ce dernier en compensation des pertes de recettes fiscales liées à l’abattement de 16 % et à la réduction pour embauche et investissement ;
Considérant que, pour écarter l’application des dispositions précitées de l’article 19 de la loi de finances pour 2002, la commune de Montreuil soutient en premier lieu qu’elles violent les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme selon lesquelles : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue . . .équitablement... et, dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial... qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil..."
Considérant que, compte tenu de son objet défini ci-dessus, le présent litige ne saurait être regardé comme portant sur un droit ou une obligation de caractère civil au sens des dispositions précitées de l’article 6-1 de la Convention ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de ces dispositions est inopérant ;
Considérant en second lieu, que la commune soutient que les dispositions législatives précitées violent les dispositions de l’article 1er du protocole additionnel à ladite Convention selon lesquelles "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne petit être privé de sa propriété que pour cause d utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou dautres contributions ou des amendes" ; que, compte tenu des restrictions ainsi énoncées, les dispositions législatives précitées ont pu valider les dotations compensant les pertes de recettes fiscales sans violer le principe du respect des biens tel qu’il est énoncé au premier alinéa de l’article 1er du protocole additionnel ; que, par suite, la commune n’est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l’article 19 de la loi de finances pour 2002 sont intervenues en violation de l’article 1er du protocole additionnel ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, l’ordonnance attaquée n’étant pas une décision de justice passée en force de chose jugée, le ministre est fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l’article 19 de la loi de finances pour 2002 pour demander l’annulation de l’ordonnance attaquée et le rejet de la demande de provision ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Montreuil doivent, dès lors, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er L’ordonnance en date du 15 novembre 2001 du juge des référés au tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 La demande de provision présentée par la commune de Montreuil devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 Les conclusions de la commune de Montreuil tendant à la condamnation de l’Etat au paiement de frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
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