Conseil d’Etat, 8 juillet 2002, n° 242343, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques c/ Jean-Pierre Bodiger

Il appartient aux candidats, dans les deux mois de l’élection, de déposer à la préfecture un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées ou effectuées, assorti des documents et justificatifs permettant d’en apprécier la régularité.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 242343

COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES
c/M. Pierre-Jean Bodiger

Mlle Bourgeois, Rapporteur

Mme de Silva, Commissaire du gouvernement

Séance du 17 juin 2002

Lecture du 8 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête enregistrée le 25 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, dont le siège est 33, avenue de Wagram à Paris Cedex 17 (75116) ; la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 26 décembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi en application de l’article L. 52-15 du code électoral, a rejeté sa saisine tendant à ce que M. Pierre-Jean Bodiger soit déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pendant un an ;

2°) de déclarer M. Bodiger inéligible aux fonctions de conseiller général pendant une durée d’un an ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Bourgeois, Auditeur,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-12 du code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu par l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, les recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 (...)/ Dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l’élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la préfecture son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte (...)/ Le compte de campagne et ses annexes sont transmis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (...)" ; qu’aux termes de l’article L. 118-3 du même code : "Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales./ Dans les autres cas, le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité (...)" ; qu’enfin, aux termes de son article L. 197, applicable à l’élection des conseillers généraux : "Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;

Considérant qu’en vertu des dispositions précitées, il appartient aux candidats, dans les deux mois de l’élection, de déposer à la préfecture un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées ou effectuées, assorti des documents et justificatifs permettant d’en apprécier la régularité ; que M. Bodiger, candidat au premier tour des élections cantonales du 11 mars 2001 dans le canton du Mans-Ville-Est, s’il a indiqué avoir réglé lui-même l’ensemble de ses dépenses de campagne, à l’exclusion de 1 250 F pris en charge par le parti ayant soutenu sa candidature, n’a produit aucune pièce de nature à justifier la réalité de cette prise en charge, en dépit de la demande expresse que lui avait adressée la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES le 15 juillet 2001 ; qu’en outre, les factures et autres documents joints par l’intéressé à son compte de campagne ne permettent pas d’établir que les dépenses alléguées l’ont bien été en vue de l’élection ; que, dès lors, si M. Bodiger a déposé son compte de campagne dans les délais prescrits à l’article L. 52-12 du code électoral, ce compte n’était pas accompagné des justificatifs requis par cet article ; qu’ainsi, c’est à bon droit que la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES a rejeté le compte de campagne de M. Bodiger ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire bénéficier M. Bodiger des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 118-3 du code électoral ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa saisine tendant à ce que M. Bodiger soit déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pendant une durée d’un an ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 décembre 2001 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : M. Bodiger est déclaré inéligible en qualité de conseiller général pendant un an à compter de la date de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, à M. Pierre-Jean Bodiger et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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