En prévoyant que les communes sont tenues de vendre les armes qu’elles ne sont désormais plus autorisées à détenir ou à défaut, d’en confier la garde à des services de l’Etat, le décret attaqué se borne à faire application d’une part, des dispositions de valeur législative du décret du 18 avril 1939, d’autre part des dispositions de l’article L. 412-51 du code des communes, qui ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
Nos 221500 à 221506,221589
COMMUNE DE MARCQ-EN-BAROEUL et autres
M. Logak
Rapporteur
M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement
Séance du 29 mai 2002
Lecture du 19juin 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil dEtat statuant au contentieux (Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le numéro 221500, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE MARCQ-ENBARQEUL, représentée par son maire ; la COMMUNE DE MARCQ-EN-BAROEUL demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des cormnunes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu 2°), sous le numéro 221501, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE D’EMERAINVILLE, représentée par son maire ; la COMMUNE D’EMERAINVILLE demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu 3°), sous le numéro 221502, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE NOTRE-DAME DE GRAVENCHON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE NOTRE-DAME DE GRAVENCHON demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif àl’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu 4°), sous le numéro 221503, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE BRAY-SURSEINE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BRAY-SUR-SElNE demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu 5°), sous le numéro 221504, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE CHAPONOST, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CHAPONOSI demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu 6°), sous le numéro 221505, la requête enregistrée le 26 niai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE BACCARAT, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BACCARAT demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur as légalité ;
Vu 7°), sous le numéro 221506, la requête enregistrée le 26 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DES POLICIERS MUNICIPAUX - CFTC, dont le siège est 85, rue Charlot à Paris (75140 Cedex) et M. Jean-Pierre COLlN-LALU, domicilié 1101 rue des Plaisses à Olivet (45160) ; le SYNDICAT NATIONAL DES POLICIERS MUNICIPAUX - CFTC et M. COLIN-LALU demandent au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur as légalité ;
Vu 8°), sous le numéro 221589, la requête enregistrée le 29 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE WISSOUS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE WISSOUS demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des agents de police municipale et de surseoir à l’exécution de ce décret jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa légalité ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu la convention européemie de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 91/477/CEE du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention des armes ;
Vu le code des communes ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 19 mars 1939 tendant à accorder au gouvernement des pouvoirs spéciaux ;
Vu la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 ;
Vu le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, modifié notamment par l’ordonnance n° 58-917 du 7 octobre 1958 et la loi n° 77-7 du 3 janvier 1977 ;
Vu le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 modifié relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Logak, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la COMMUNE DE MARCQEN-BAROEUL et autres,
les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret et présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 412-51 du code des communes issu de l’article 8 de la loi susvisée du 15 avril 1999, “Lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l’existence d’une convention prévue par l’article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales./ Un décret en Conseil d’Etat précise, par type de mission, les circonstances et les conditions dms lesquelles les agents de police municipale peuvent porter une arme. Il détermine, en outre, les catégories et les types d’armes susceptibles d’être autorisés. Leurs conditions d’acquisition et de conservation par la commune et les conditions de leur utilisation par les agents, précise les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à cet effet” ; que les requérants contestent la légalité du décret du 24 mars 2000 pris en application de ces dispositions ;
Sur l’application de l’article 8 de la loi du 15 avril 1999 :
Considérant que les prescriptions de l’article 8 de la loi du 15 avril 1999, dont il n’appartient pas au Conseil d’Etat, statuant au contentieux, d’apprécier la constitutionalité, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n’y a donc pas lieu d’en écarter l’application ;
Sur l’article 2 du décret :
Considérant en premier lieu qu’en déterminant celles, parmi les armes de quatrième catégorie et de sixième catégorie, au sens de la classification fixée par le décret susvisé du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, pris en application de la loi du 19 mars 1939, que les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter, le décret attaqué s’est borné à fixer les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes, dans les limites fixées par ledit article ;
Considérant en deuxième lieu que les requérants, après avoir relevé que le décret attaqué fait application, dans son article 3, des catégories d’armes fixées par le décret du 6 mai 1995, affirment que ce dernier décret serait incompatible avec certaines stipulations de la directive susvisée du 18 juin 1991 ; que toutefois en vertu de l’article 2 de ladite directive, celle-ci ne s’applique pas aux armes détenues “par la police ou les services publics” ; qu’en outre en vertu de l’article 3 de cette directive, les Etats membres de l’Union européenne peuvent adopter des dispositions plus strictes que celles imposées par la directive ; qu’ainsi, en tout état de cause, le moyen invoqué ne peut qu’être écarté ;
Considérant en troisième lieu qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en ne retenant, parmi les armes de 4ème catégorie que les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter, que les revolvers chambrés, pour le calibre 38 spécial, et les armes de poing chambrées, pour le calibre 7,65 mm, le gouvernement ait commis une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu tant des missions susceptibles d’être confiées à ces agents que des nsques encourus par eux-mêmes et par les tiers ;
Sur l’article 3 du décret attaqué :
Considérant que le I de l’article 3 du décret attaqué prévoit que “Les missions pour l’exercice desquelles les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter entre 6 heures et 23 heures des armes (·..) sont 10 La surveillance générale des voies publiques, des voies privées ouvertes au public et des lieux ouverts au public si les personnes et les biens sont exposés à un risque identifié de nature à compromettre leur sécurité (···) 3 Les gardes statiques des bâtiments communaux abritant des services ou des biens exposés à des risques particuliers d’insécurité” qu’en subordonnant le port d’arme à la condition qu’un risque de nature à compromettre la sécurité des personnes et des biens soit identifié ou à celle que les bâtiments soient exposés à des risques particuliers d’insécurité, les dispositions précitées du décret attaqué ne sont entachées ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’une erreur de droit ; que les éventuelles difficultés d’interprétation ou d’exécution de ces dispositions, qu’invoquent les requérants, sont sans incidence sur la légalité de celles-ci ;
Considérant que le III de l’article 3 du décret attaqué prévoit que “Les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter de jour comme de nuit les armes mentionnées au 10 et aux a et b du 20 de l’article 2 lors des interventions, sur appel d’un tiers ou à la demande des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, sur les lieux où se produisent des troubles à la tranquillité publique” ; qu’en étendant ainsi les conditions de port d’armes, dans le cas d’un appel d’un tiers ou d’une demande des services de l’Etat, au-delà des cas prévus, en règle générale, par les dispositions précitées du 10 du I de l’article 3, le gouvemement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de l’article 5 du décret, qui sont relatives à la formation au maniement des armes des agents de police municipale, soient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Sur les articles 8 et 13 du décret :
Considérant qu’en vertu de l’article 15 du décret du 18 avril 1939, issu de l’article 1er de l’ordonnance susvisée du 7 octobre 1958 prise sur le fondement de l’article 92 alors en vigueur de la Constitution et qui a valeur législative, l’acquisition et la détention d’armes ou de munitions des première et quatrième catégories sont interdites, sauf autorisation délivrée dans des conditions fixées par décrets ;
Considérant qu’aux termes de l’article 13 du décret attaqué : “A partir de la signature d’une convention de coordination et au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois àcompter de la publication du décret du 24 mars 2000 susvisé, la commune ne peut détenir que les armes autorisées par le préfet du département dans les conditions fixées par le présent décret./ Les autorisations de détention intérieure deviennent caduques à la signature de la convention de coordination ou à l’expiration du délai mentionné à l’alinéa précédent.En l’absence de nouvelle autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article 8 la commune se dessaisit, dans les conditions prévues par le même article, des armes dont la détention est devenue irrégulière” ; qu’aux termes de l’article 8 du décret attaqué : “Dans le cas où l’autorisation de détention est rapportée ou non renouvelée, la commune est tenue de céder, dans un délai de trois mois, à une personne régulièrement autorisée à acquérir et détenir des armes de cette catégorie, l’arme et les munitions dont la détention n’est plus autorisée (...)I A défaut de cession dans le délai prévu, la garde de ces armes et munitions est confiée aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents” ;
Considérant qu’en prévoyant que les communes sont tenues de vendre les armes qu’elles ne sont désormais plus autorisées à détenir ou à défaut, d’en confier la garde à des services de l’Etat, le décret attaqué se borne à faire application d’une part, des dispositions de valeur législative du décret du 18 avril 1939, d’autre part des dispositions de l’article L. 412-51 du code des communes, qui ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que les articles 8 et 13 du décret attaqué portent atteinte au droit de propriété tel qu’il est défini par les stipulations de l’article 1er dudit protocole et les dispositions de l’article 544 du code civil ;
Sur la méconnaissance du principe d’égalité entre agents de la police nationale et agents des polices municipales :
Considérant que les missions des agents de police municipale, leurs modalités de recrutement et de formation, ainsi que leurs statuts, différent de ceux des agents de la police nationale ; que les requérants ne sauraient dès lors utilement invoquer un principe d’égalité entre ces catégories d’agents ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MARCQ-EN-BAROEUL, la COMMUNE D’EMERAINVILLE, la COMMUNE DE NOTRE-DAME DE GRAVENCHON, la COMMUNE DE BRAY-SUR-SEINE, la COMMUNE DE CHAPONOST, la COMMUNE DE BACCARAT, le SYNDICAT NATIONAL DES POLICIERS MUNICIPAUX - CFTC, M. Jean-Pierre COLIN-LALU et la COMMUNE DE WISSOUS ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret du 24 mars 2000 fixant les modalités d’application de l’article L. 412-51 du code des communes et relatif à l’armement des polices municipales ;
D E C I D E :
Article ler : Les requêtes de la COMMUNE DE MARCQ-EN-BAROEUL, de la COMMUNE D’EMERAIN VILLE, de la COMMUNE DE NOTRE-DAME DE GRAVENCHON, de la COMMUNE DE BRAY-SUR-SEINE, de la COMMUNE DE CHAPONOST, de la COMMUNE DE BACCARAT, du SYNDICAT NATIONAL DES POLICIERS MUNICIPAUX - CFTC, de M. Jean-Pierre COLIN-LALU et de la COMMUNE DE WISSOUS sont rejetées.
Article 2 La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MARCQ-EN-BAROEUL, àla COMMUNE D’EMERAIN VILLE, à la COMMUNE DE NOTRE-DAME DE GRAVENCHON, à la COMMUNE DE BRAY-SUR-SEINE, à la COMMUNE DE CHAPONOST, à la COMMUNE DE BACCARAT, au SYNDICAT NATIONAL DES POLICIERS MUNICIPAUX - CFTC, à M. Jean-Pierre COLIIN-LALU, à la COMMUNE DE WISSOUS, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des -libertés locales, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, au ministre de la défense, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre des sports.
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