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La police du cinéma : de la protection des mineurs au rejet de l’ordre moral

Par Nicolas GUILLET
Docteur en droit public, Ancien ATER en droit public à l’Université du Maine, Membre du CER:FDP, Universités de Paris X Nanterre et Cergy-Pontoise

L’arrêt du Conseil d’Etat du 14 juin 2002 « Association Promouvoir » constitue l’épilogue du contentieux né autour du film Baise-moi, réalisé par Mmes V. Despentes et C. Trinh-Tih. Il donne notamment l’occasion de revenir sur le contrôle de légalité qu’exerce le Conseil d’Etat sur les visas d’exploitation des films cinématographiques, alors que les compétences du ministre de la Culture, chargé du cinéma, ont été récemment élargies en la matière.

Lors de la sortie sur les écrans de cinéma en juin 2000, le film Baise-moi bénéficiait d’un visa d’exploitation assorti d’une interdiction de représentation aux mineurs de seize ans. En outre, étaient rendues obligatoires l’apposition à l’entrée des salles et l’insertion dans tous les documents publicitaires le concernant, l’avertissement selon lequel « ce film, qui enchaîne sans interruption des scènes de sexe d’une crudité appuyée et des images d’une violence particulière, peut profondément choquer certains spectateurs ». Narrant la cavale de deux jeunes tueuses, le film comporte de nombreuses séquences où les violences - dont une scène de viol - sont explicitement montrées et les actes sexuels non simulés. L’Association Promouvoir, qui reprend, à l’instar d’autres associations traditionalistes [1], le combat pour un certain « ordre moral » [2], engagea une action judiciaire contre la décision ministérielle. Cette action se transforma en une sorte de harcèlement procédural destiné à obtenir l’interdiction de toute diffusion du film.

Tout d’abord, l’association forma un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre de la Culture du 22 juin 2000 de délivrer à cette œuvre cinématographique un visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux mineurs de moins de seize ans. Le 30 juin 2000, le Conseil d’Etat, saisi en premier et dernier ressort, annula la décision ministérielle [3]. La compétence du Conseil d’Etat - question devant être examinée de façon liminaire - résulte d’une analyse ancienne fondée sur les effets directs ou indirects des actes administratifs. Comme l’avait rappelé le commissaire du gouvernement B. Stirn [4], les mesures générales d’interdiction d’un film cinématographique produisent des effets « à l’égard du seul producteur », ce qui autorise la compétence en premier ressort des tribunaux administratifs [5]. En revanche, les mesures restrictives de diffusion dont « la mise en œuvre (…) est la responsabilité d’opérateurs ou d’exploitants répartis sur l’ensemble du territoire national » [6] relèvent de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat [7]. En effet, la compétence de ce dernier prévaut lorsque les effets de l’acte administratif dépassent le ressort d’un seul tribunal administratif [8]. C’est pourquoi les décisions accordant le visa d’exploitation d’un film sont considérées par la Haute juridiction administrative comme relevant directement de sa compétence [9]. La décision de délivrer au film Baise-moi un visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux mineurs relève ainsi de la seconde catégorie, c’est-à-dire des mesures de restriction de la diffusion de l’œuvre cinématographique et non des mesures générales d’interdiction.

Après avoir visionné le film, le Conseil d’Etat avait considéré qu’il contenait « des scènes de grande violence et des scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l’intention, affichée par les réalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmes par la société ». Aussi convenait-il de considérer qu’il constituait « un message pornographique et d’incitation à la violence susceptible d’être vu ou perçu par des mineurs », pouvant relever de l’incrimination prévue par l’article 227-24 du Code pénal. En conséquence, dans la mesure où la réglementation définissant les pouvoirs du ministre chargé du cinéma ne prévoyait pas qu’une œuvre cinématographique puisse être interdite de représentation aux mineurs autrement que par son inscription sur la liste des films pornographiques ou d’incitation à la violence, le film relevait du classement sur cette liste. La décision du ministre fut donc annulée.

Malgré cette décision qui lui donnait raison et justifiait son action, l’Association Promouvoir poursuivit sa croisade judiciaire contre le film Baise-moi. Ses actions donnèrent alors lieu à trois décisions du Conseil d’Etat. La première la débouta de sa requête visant à obtenir la condamnation de l’Etat pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires à l’exécution de la décision précitée du 30 juin 2000 [10]. La deuxième, qui était une ordonnance de référé rendue sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la débouta de sa demande de suspension du refus du ministre d’exécuter en totalité la décision du 30 juin 2000 [11]. Enfin, dans la présente espèce, l’Association Promouvoir agissait afin d’obtenir l’annulation de la décision du ministre de la Culture de délivrer un nouveau visa d’exploitation au film Baise-moi, désormais assorti d’une interdiction aux mineurs de dix-huit ans. L’association requérante développait trois moyens : elle invoquait tout d’abord, par la voie de l’exception, l’illégalité du décret n° 2001-618 du 12 juillet 2001 modifiant le décret n° 90-174 du 23 février 1990 pris pour l’application des articles 19 à 22 du Code de l’industrie cinématographique et relatif à la classification des œuvres cinématographiques [12], estimant ainsi qu’un détournement de pouvoir entachait la décision du ministre (I°) ; elle prétendait ensuite que l’autorité de chose jugée attachée à la décision du Conseil d’Etat du 30 juin 2000 qui avait annulé la décision du ministre de la Culture du 22 juin 2000 avait été violée (II°) ; elle réclamait enfin, par voie d’action, l’annulation du visa d’exploitation (III°). Par le rejet successif de chacun de ces trois moyens, la décision du Conseil d’Etat du 14 juin 2002 rend compte de la compétence limitée du ministre chargé du cinéma en matière de classification des films présentant des scènes de sexe non simulées.

I - L’absence de détournement de pouvoir

La diffusion commerciale ou non commerciale des films cinématographiques au public relève d’un régime d’autorisation préalable. L’article 19 du Code de l’industrie cinématographique dispose que « la représentation cinématographique est subordonnée à l’obtention des visas délivrés par le ministre chargé du cinéma » [13]. Ce régime de censure ministérielle sur la projection des films cinématographiques existe depuis un arrêté du 16 juin 1916 ; il succède à un régime d’autorisation municipale préalable applicable aux « spectacles de curiosité » [14]. La liberté publique de l’expression cinématographique [15] reste soumise à la procédure de l’autorisation ministérielle préalable. L’article 19 du Code de l’industrie cinématographique ne prévoit pas les motifs de droit et de fait qui peuvent fonder une décision de restriction ou d’interdiction de l’exploitation d’un film cinématographique. Il est donc possible de considérer que le ministre de la Culture dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, une commission de classification des œuvres cinématographiques est chargée d’aider le ministre dans sa décision. Elle rend un avis non conforme, c’est-à-dire qu’il n’est pas tenu de le suivre ; mais la procédure de consultation de la commission reste obligatoire : un vice de procédure entacherait toute décision ministérielle n’ayant pas été précédée de la consultation de la commission. La décision du ministre s’analyse en un acte administratif individuel qui reste susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation tantôt devant les tribunaux administratifs, tantôt devant le Conseil d’Etat [16].

En matière de classification des films cinématographiques, le ministre a la faculté de choisir parmi les mesures posées par le décret n° 90-174 du 23 février 1990 pris pour l’application des articles 19 à 22 du Code de l’industrie cinématographique et relatif à la classification des œuvres cinématographiques [17]. Avant sa modification par le décret n° 2001-618 du 12 juillet 2001, le décret du 23 février 1990 prévoyait cinq types de mesures : visa autorisant pour tous publics la représentation de l’œuvre cinématographique ; visa comportant l’interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans ; visa comportant l’interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans ; interdiction totale de l’œuvre cinématographique. Le ministre pouvait aussi recourir aux articles 11 et 12 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 [18] permettant de classer un film comme pornographique ou d’incitation à la violence. Le décret du 12 juillet 2001 modifiant celui de 1990 offre désormais au ministre une possibilité supplémentaire de classement des œuvres cinématographiques avec le visa comportant l’interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans. Il convient de remarquer que cette mesure existait déjà sous l’empire de la réglementation antérieure à 1990.

Dans la présente affaire, l’Association Promouvoir invoquait, par voie d’exception, l’illégalité du décret du 12 juillet 2001 précité. Selon elle, son édiction aurait eu pour objectif de contourner la décision d’annulation du visa ministériel prononcée par le Conseil d’Etat le 30 juin 2000. Autrement dit, le gouvernement aurait fait adopter un décret pour permettre la diffusion d’un film jugé pornographique et d’incitation à la violence par le Conseil d’Etat. Mais la Haute juridiction administrative rejette le moyen : « cette modification a été décidée dans le but d’intérêt général d’assurer l’harmonisation entre les dispositions de l’article 227-24 du Code pénal relatives à la protection des mineurs et les règles de délivrance des visas à des œuvres cinématographiques ». En examinant les visas du décret du 12 juillet 2001, on constate en effet que l’article 227-24 du Code pénal est expressément cité. Or ce dernier permet de punir celui qui diffuse un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine lorsque celui-ci est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. Tous les types de supports de tels messages entrent dans le champ d’application de l’article 227-24 du Code pénal, ce qui inclut le film cinématographique. Aussi, afin d’assurer une meilleure protection de la jeunesse, et en raison de la précédente annulation par le Conseil d’Etat du visa d’exploitation délivré au film Baise-moi, le gouvernement a opéré une réécriture de l’article 3 du décret de 1990 en élargissant les possibilités de classement pour le ministre de la Culture. Par le rétablissement de la possibilité d’interdiction aux mineurs de moins de dix-huit ans, le décret donne au ministre de la Culture le pouvoir de protéger tous les mineurs, sans pour autant pénaliser les œuvres cinématographiques par une inscription sur la liste des films pornographiques et d’incitation à la violence prévue par la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976 [19]. Le détournement de pouvoir, qui implique l’utilisation des pouvoirs de l’autorité administrative, dans un but privé ou dans un but public autre que celui pour lequel les pouvoirs lui ont été confiés, n’est donc pas établi.

Toutefois, la demande d’annulation par voie d’exception du décret du 12 juillet 2001 n’était que secondaire [20].

II - La non-méconnaissance de l’autorité de chose jugée

L’autorité de chose jugée désigne les effets attachés à une décision juridictionnelle. Relative, elle interdit que la même chose soit rejugée entre les mêmes parties devant la même juridiction. Absolue, elle vise à imposer à tous la solution tranchée par le juge : ses effets sont alors dits erga omnes, c’est-à-dire non limités aux parties au procès. En matière de recours pour excès de pouvoir, l’autorité de chose jugée est considérée comme absolue pour la raison même que ce contentieux concerne la légalité des actes administratifs ; le « procès fait à un acte » - dans la mesure où il s’agit d’un contentieux objectif - implique que la décision s’impose à tous.

En l’espèce, l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 juin 2000 n’a pas été mise en cause par le ministre de la Culture. En effet, cette décision, fondée sur l’article 227-24 du Code pénal, a annulé le visa d’exploitation du film Baise-moi en tant qu’il n’était assorti d’une interdiction qu’aux jeunes de moins de seize ans qui ne permettait pas de protéger tous les mineurs. Le film litigieux relevant d’un message pornographique et d’incitation à la violence susceptible d’être vu ou perçu par des mineurs, le ministre ne pouvait, dans le cadre de la nouvelle réglementation issue du décret de 2001, que prohiber sa diffusion aux moins de dix-huit ans ou bien le classer parmi les films pornographiques ou d’incitation à la violence relevant des articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975, voire l’interdire de toute diffusion. Seule une décision ministérielle plus favorable aurait méconnu l’autorité de chose jugée attachée à la décision du 30 juin 2000. Or, en interdisant la diffusion du film aux mineurs de dix-huit ans, le ministre a respecté l’autorité de chose jugée qui vise non seulement le dispositif mais aussi les motifs d’une décision de justice.

La décision du Conseil d’Etat du 14 juin 2002 laisse alors entrevoir la faible marge d’appréciation dont dispose le ministre de la Culture dans la procédure de classement de certains films cinématographiques.

III - la faible marge d’appréciation du ministre de la Culture

Les pouvoirs de police spéciale du ministre de la Culture en matière de films cinématographiques font l’objet d’un double encadrement.

Tout d’abord, le ministre est contraint en amont de sa décision. Juridiquement, il doit motiver toute mesure de restriction ou d’interdiction de la diffusion d’un film [21]. Il est par ailleurs obligé de demander un nouvel examen à la commission de classification lorsqu’il souhaite prendre une mesure plus restrictive que celle qu’elle propose [22]. Dans ce cas, il lui est alors politiquement difficile d’agir ainsi, au risque d’apparaître comme favorable au rétablissement d’une censure honnie des créateurs, fondée sur des motifs politiques ou moraux. En aval, le ministre de la Culture est soumis au contrôle du juge administratif. Dans sa décision novatrice d’Assemblée du 24 janvier 1975, Société Rome-Paris Films, le Conseil d’Etat avait considéré qu’« à défaut de toute disposition législative définissant les conditions de fait auxquelles est soumise la légalité des décisions accordant ou refusant les visas, les seules restrictions apportées au pouvoir du ministre sont celles qui résultent de la nécessité de concilier les intérêts généraux dont il a la charge avec le respect dû aux libertés publiques et, notamment à la liberté d’expression (…) » [23]. Il estima en conséquence qu’« il appartient à la juridiction administrative de rechercher si le film qui a fait l’objet de la décision contestée est de nature à causer à ces intérêts un dommage justifiant l’atteinte portée aux libertés publiques » [24]. Le Conseil d’Etat opère donc en la matière un contrôle normal de la légalité des visas ministériels [25]. Il exerce un contrôle de la qualification juridique de l’œuvre qui n’est pas limité à l’erreur manifeste d’appréciation, ainsi que l’illustrent les affaires relatives à des films ayant un « caractère pornographique » [26].

En l’espèce, la question posée était celle de savoir si, en présence d’un film qui montre des scènes de sexe non simulées et des scènes de grande violence, le ministre aurait dû considérer qu’au vu des seules premières scènes, il devait être qualifié de « pornographique » - c’est-à-dire présentant au public, « sans recherche esthétique et avec une crudité provocante des scènes de la vie sexuelle et notamment des scènes d’accouplement » [27]. -, rendant par là-même nécessaire son inscription sur les listes prévues par la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975. En d’autres termes, la décision de délivrer un visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux mineurs de dix-huit ans était-elle entachée d’excès de pouvoir en ce qu’elle aurait permis une classification erronée du film ? Pour la Haute juridiction administrative, il résulte de l’instruction que « même s’il comporte des scènes de grande violence et des scènes de sexe non simulées, qui justifient son interdiction aux mineurs de dix-huit ans, le film "Baise-moi" ne revêt pas, compte-tenu de son thème et des conditions de sa mise en scène, le caractère d’un film pornographique (…) ». Dès lors, le classement d’un film ne dépend pas seulement de certaines de ses scènes, aussi explicites pourraient-elles être, mais sa qualification repose sur l’ensemble du sujet abordé et sur la manière de le traiter ; ainsi « le ministre de la Culture et de la Communication n’a pas commis d’erreur d’appréciation et n’a pas méconnu le principe de la dignité de la personne humaine, en accordant à ce film le visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ». Ni l’interdiction du film à raison de son contenu prétendument contraire à la dignité de la personne humaine (A) ni son classement parmi les films pornographiques (B) n’étaient exigés.

A- La non-méconnaissance du principe de la dignité de la personne humaine

En 1975, un projet de loi relatif à la représentation et à la diffusion des films cinématographiques avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale [28]. Son article 2 prévoyait que « seuls peuvent faire l’objet d’une interdiction générale de représentation les films qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine ou qui incitent à la violation des droits fondamentaux (…) ». La législation n’avait cependant pas été modifiée en ce sens [29]. L’invocation par l’Association Promouvoir du principe de la dignité de la personne humaine pourrait paraître surprenante. Toutefois, le principe à valeur constitutionnelle de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation » [30] s’impose indéniablement à toutes les autorités administratives ; le ministre de la Culture doit alors, dans le cadre de la police du cinéma, en assurer le respect au titre des « intérêts généraux dont il a la charge » et, dans cette mesure, assurer la conciliation du principe avec la liberté d’expression cinématographique. Considérant que le ministre « n’a pas méconnu le principe de dignité de la personne humaine », le Conseil d’Etat juge donc en l’espèce que le film litigieux ne comprenait pas de scènes susceptibles d’être jugées contraires à ce principe.

Si elle peut légitimement choquer sur un plan moral, la présentation au public de scènes de la vie sexuelle non simulées ne peut pas être d’emblée considérée comme de nature à porter atteinte au principe de dignité de la personne humaine. En effet, montrer l’accouplement de deux personnes physiques n’est avilissantni pour les spectateurs ni pour celles-ci dès lors qu’elles sont non seulement consentantes, mais aussi conscientes de l’enregistrement de leurs ébats - ce qui est présupposé par le fait même du tournage du film. Il ne s’agit pas, en la matière, d’un traitement « dégradant », lequel est défini comme celui qui humilie l’individu grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience ou qui provoque un abaissement du rang, de la situation ou de la réputation de celui qui en est l’objet aux yeux d’autrui ou à ses propres yeux [31], ou encore comme celui qui est de nature à créer « des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier, les avilir et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale » [32]. L’acte sexuel consenti devant autrui peut ainsi être considéré comme un comportement librement choisi relevant d’un pouvoir d’autodétermination personnelle [33].

La question pourrait néanmoins être différemment envisagée en présence de scènes de viol, telles qu’en montre le film Baise-moi. Ne doit-on pas considérer qu’un viol est de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine ? Il s’apparente en effet à un acte humiliant, perpétré contre la volonté de la victime [34] et peut donc être considéré comme un traitement dégradant. Néanmoins, selon le Code pénal, le viol n’est pas classé parmi les atteintes à la dignité de la personne humaine mais parmi les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne. Le Conseil d’Etat n’ayant pas relevé la qualification pénale du viol, il a seulement jugé, à raison, que la scène montrée dans le film n’était pas contraire au principe juridique de dignité de la personne humaine.

Si tel avait été le cas, une mesure radicale d’interdiction de diffusion du film aurait pu se justifier. En effet, une autorité de police administrative peut interdire l’exercice d’une liberté lorsque cette mesure est la plus adéquate pour prévenir un trouble à l’ordre public, dont le respect de la dignité de la personne humaine est désormais une composante. Dans l’affaire dite du « lancer de nain », le Conseil d’Etat avait en effet estimé que « l’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine » [35]. Il avait semblé considérer que, alors même que l’intéressé était consentant et particulièrement protégé physiquement pour exercer l’activité en cause, seule une mesure d’interdiction était de nature à garantir le respect du principe de la dignité de la personne humaine. La situation reste, mutatis mutandis, similaire en matière de police du cinéma où le décret du 23 février 1990 prévoit, parmi les modalités de classification des films, l’interdiction totale de l’œuvre cinématographique. En présence d’un film montrant des scènes manifestement contraires à la dignité de la personne humaine, le ministre de la Culture aurait l’obligation d’en interdire la diffusion. Il marquerait par là-même le refus que l’Etat doit opposer à l’accomplissement de certains comportements particulièrement graves.

Toutefois, en l’espèce, la question portait davantage sur la nécessité de classer le film Baise-moi parmi les films pornographiques.

B- L’absence d’erreur d’appréciation du ministre

En signifiant que le ministre n’a pas commis d’« erreur d’appréciation » - et non d’« erreur manifeste d’appréciation » -, le juge opère un contrôle maximal de la mesure de police administrative spéciale, conformément à la jurisprudence classique en la matière. Il vérifie en réalité si la mesure prise par le ministre était proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire, outre le respect de l’ordre public, plus particulièrement la protection des mineurs. Bien que n’ayant pas repris le motif énoncé dans l’arrêt Société Rome-Paris Films de 1975, le Conseil d’Etat procède à la conciliation entre les « intérêts généraux dont le ministre de la Culture » a la charge et « le respect dû aux libertés publiques ». Parmi ces « intérêts généraux » figure la protection des mineurs face aux messages pornographiques dont l’article 227-24 du Code pénal, visé par la Haute juridiction administrative, assure la garantie [36]. Au-delà, le ministre aurait-il dû considérer que le film présentait un caractère pornographique ?

La lecture de la présente décision rappelle que le Conseil d’Etat contrôle aussi l’opportunité de la décision du ministre de classer X un film. Dès 1979, la Haute juridiction s’était conformée aux conclusions du commissaire du gouvernement B. Genevois relatives aux critères d’appréciation d’un film à « caractère pornographique ». Pour B. Genevois, « le critère principal est un critère objectif : est réputé pornographique le film qui montre une activité sexuelle réelle, non simulée ; le critère subsidiaire a un caractère subjectif : il consiste à prendre en considération l’intention du réalisateur, le contenu d’ensemble du film, le sujet traité, la qualité de sa réalisation » [37].

Dans sa décision du 30 juin 2000, le Conseil d’Etat paraissait avoir considéré - sans que la question posée soit réellement celle de l’appréciation du caractère pornographique du film - que le classement X du film Baise-moi était à privilégier. Il indiquait en effet que ce film « est composé pour l’essentiel d’une succession de scènes de grande violence et de scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l’intention, affichée par les réalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmes par la société » [38]. Au regard du contenu d’ensemble du film, le critère subsidiaire ne paraissait alors pas rempli. La balance des critères sus-évoqués semblait justifier un classement X, d’autant qu’il était alors, en l’état de la réglementation, la seule mesure de nature à permettre d’atteindre l’objectif de protection de tous les mineurs. Dans la présente espèce, le Conseil d’Etat met à nouveau en balance ces critères pour déterminer si le film Baise-moi peut n’être interdit qu’aux mineurs de dix-huit ans, sans être classé X. Il parvient cependant à une solution différente : même s’il comporte « des scènes de grande violence et des scènes de sexe non simulées » - critère principal et objectif -, justifiant son interdiction aux mineurs de dix-huit ans, il ne revêt pas, « compte-tenu de son thème et des conditions de sa mise en scène » - critère subsidiaire et subjectif -, le caractère d’un film pornographique. Le Conseil d’Etat considère finalement qu’une certaine « recherche esthétique » habite le film et permet de ne pas « imposer » une inscription sur la liste des films X. D’une décision à l’autre, le Conseil d’Etat paraît donc avoir modifié son appréciation du film litigieux, se rangeant derrière celle du ministre.

Mais il ne faut pas voir dans la présente décision du 14 juin 2002 un amoindrissement du contrôle du juge dans la qualification du caractère pornographique d’un film. Celle-ci laisse en effet entendre qu’à défaut de « recherche esthétique », le film aurait dû être classé X. Assurer le but d’intérêt général de protection des mineurs par une interdiction de diffusion aux mineurs de dix-huit ans n’aurait pas suffi. L’appréciation par le ministre du caractère pornographique ou non d’un film reste donc soumise au contrôle entier du juge et, peu à peu, d’un pouvoir discrétionnaire, le ministre bascule vers une situation de compétence liée. Lorsqu’un film présentant des scènes de sexe non simulées répond au critère subsidiaire, il ne sera pas qualifié pornographique mais interdit aux mineurs de dix-huit ans. Dans l’hypothèse d’un classement X, la décision ministérielle devra être annulée. Au contraire, dès lors qu’un film ne répond pas à un impératif de qualité minimale, il devra être inscrit sur la liste des films pornographiques.

Aussi faut-il considérer, dans ces conditions et à propos d’un film fortement défendu par la profession, que le Conseil d’Etat n’a pas souhaité quereller au ministre l’appréciation du critère subjectif. La Haute juridiction administrative échappe ainsi au son des sirènes contemporaines de l’ordre moral [39].


[1] Tel est le cas de l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française (AGRIF), présidée par Bernard Antony, membre du bureau national du Front national, qui s’est illustrée en dernier lieu en demandant l’interdiction de l’affiche du film Amen de Constantin Costa-Gavras : v. TGI Paris (ord. réf.), 21 février 2002, AGRIF c/ Renn Productions, Costa-Gavras et Pathé distribution, Légipresse n° 192, juin 2002, III, p. 105, note A. TRICOIRE. En ce qui concerne l’Association Promouvoir, présidé par un proche du Mouvement national républicain et qui défend « les valeurs judéo-chrétiennes et la famille », v. encore CE, 4 octobre 2000, req. n° 222666, à propos du film Fantasmes dont le visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux mineurs de seize ans n’a pas été annulé par le juge dès lors que « la mise en scène (…) de la relation entre deux personnages majeurs ne constitue pas, eu égard en particulier à la simulation des scènes de sexe, un message pornographique (…) ». Le contentieux en matière de contraception et d’avortement est également le fruit des actions de ce genre d’associations ; v. par ex. à propos de la pilule du lendemain : CE, Sect., 30 juin 2000, Association Choisir la vie et autres, AJDA 2000, p. 729, concl. S. BOISSARD ; Dr. adm. août-septembre 2000, n° 183, p. 16 ; RFDA 2000, p. 1305, note L. DUBOUIS ; JCP G, 2000, II, 10423, note J. PEIGNE ; D. 2001, jur., p. 2224, note A. LEGRAND ; PA 16 janvier 2001, n° 11, p. 17, note R. PIASTRA ; v. encore, à propos d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des décisions par lesquelles le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait donné son visa pour la commercialisation de deux contraceptifs d’urgence : CE, Sect., 25 avril 2001, Association Choisir la vie - Association pour l’objection de conscience à l’avortement (2 esp.), JCP G, 23 janvier 2002, n° 4, II, 10017, p. 195, note J. PEIGNE ; AJDA février 2002, p. 158, note J.-J. MENURET.

[2] La notion d’ordre moral remonte à l’époque du maréchal de Mac Mahon : J. CARBONNIER, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 2001, 10e éd., p. 95.

[3] CE, Sect., 30 juin 2000, Association Promouvoir et a., AJDA 2000, p. 674, chron. M. GUYOMAR et P. COLLIN ; D. 2001, jur., p. 590, note E. BOITARD ; RFDA 2000, p. 1282, note M. CANEDO et 1311, note J. MORANGE ; Légipresse n° 174, 1er septembre 2000, III, p. 129, note E. DERIEUX ; RDP 2001, p. 367, note C. GUETTIER.

[4] B. STIRN, concl. sur CE, 9 mai 1990, de Bénouville, D. 1990, jur., p. 375.

[5] Voir, par ex., en matière de refus de visa d’exploitation des films : CE, 23 février 1962, Société Ursulines-Distribution, Rec. CE, p. 121.

[6] B. STIRN, op. cit., p. 375.

[7] CE, 8 mars 1978, Société Luso-France, Rec. CE, p. 118 ; 13 juillet 1979, Société Les productions du Chesne, Rec. CE, p. 332 ; Gaz. Pal. 1981, jur., p. 321, concl. B. GENEVOIS.

[8] Art. R. 311-1-5° du Code de justice administrative ; voir R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 9e éd., 2001, n° 386 et s.

[9] CE, 9 mai 1990, Pichène, Rec. CE, p. 116.

[10] CE, 8 décembre 2000, Association Promouvoir, req. n° 222665 : la requête trouvait son fondement dans le maintien, dans un premier temps, de l’exploitation commerciale du film par certains producteurs, alors même que la décision du Conseil d’Etat du 30 juin 2000 annulant le visa ministériel entraînait l’impossibilité de sa diffusion. Toutefois, à la date du 8 décembre 2000, le Conseil jugea que le film n’était plus exploité commercialement.

[11] CE, 31 janvier 2001, Association Promouvoir, req. n° 229484 : l’Association Promouvoir estimait que le refus du ministre était révélé par la prochaine commercialisation du film sous forme de vidéogrammes ; la requête fut toutefois rejetée au motif que la requérante ne justifiait de l’existence d’aucune décision expresse ou implicite par laquelle le ministre aurait formulé un tel refus.

[12] JO 13 juillet 2001, p. 11241.

[13] Voir C. GUETTIER, « Cinéma », Juris-Cl. Adm., fasc. 267, spéc. n° 81 et s.

[14] Sur l’historique de la censure en matière de films cinématographiques, voir P. WEIL, note sous TA Nice, 11 juillet 1955, Société Franco-London Film et autres, D. 1956, jur., p. 14.

[15] J. MORANGE, « Vers une liberté publique de l’expression cinématographique ? », Gaz. Pal. 1975, doctr., p. 350.

[16] Cf. supra.

[17] JO 25 février 1990, p. 2450.

[18] JO 31 décembre 1975, p. 13564.

[19] L’inscription sur la liste des films pornographiques entraîne une pénalisation financière de l’œuvre, ainsi que l’obligation de ne la diffuser qu’en dehors du circuit commercial traditionnel. Cette dernière mesure conduit à une impossibilité de fait de montrer le film au public dans la mesure où n’existe plus en France qu’une poignée de cinémas spécialisés dans le X. Cependant, les producteurs peuvent recourir à l’exploitation - lucrative - du film en vidéo dont l’édition, la reproduction, la distribution, la vente ou la location, destinés à l’usage privé du public ne sont soumises qu’à un contrôle indirect du Centre national de la cinématographie (art. 52 de la L. n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, JO 4 juillet 1985, p. 7495). La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs (JO 18 juin 1998, p. 9255) prévoit, aux articles 32 et suivants, le principe d’un contrôle a posteriori des films mis à la disposition du public sur différents types de supports. Dans ce cadre, le ministre de l’Intérieur peut, par arrêté motivé, en interdire la location ou la vente aux mineurs dès lors que le film présente un caractère pornographique.

[20] Cette demande souligne néanmoins la particularité de ce type d’association : alors qu’elle prétend défendre la moralité de la jeunesse, elle attaque paradoxalement un acte administratif qui tend justement à améliorer la protection des mineurs.

[21] Art. 4 al. 1er du décret du 23 février 1990 tel qu’issu du décret du 12 juillet 2001.

[22] Art. 4 al. 3, ibid.

[23] CE, Ass. 24 janvier 1975, Ministre de l’Information c. Société Rome-Paris Films, Rec. CE, p. 57 ; RDP 1975, p. 286, concl. M. ROUGEVIN-BAVILLE ; Gaz. Pal. 1975, jur., p. 385 et doctr., p. 350, chron. J. MOURGEON ; JCP 1976, II, 18395, note M. BAZEX.

[24] Ibid.

[25] Comp. avec CE, Sect., 9 juillet 1997, Association Ekin, GAJA 2001, 13e éd., n° 111.

[26] Voir CE, 13 juillet 1979, Société les productions du Chesne, Rec. CE, p. 332 ; Gaz. Pal. 1981, jur., p. 321, concl. B. GENEVOIS.

[27] B. GENEVOIS, concl. sur CE, 13 juillet 1979, Ministre de la Culture et de la Communication c/ Société Le Comptoir français du film, Gaz. Pal. 1981, jur., p. 324. Le rapport de la Mission d’évaluation, d’analyse et de propositions relative aux représentations violentes à la télévision, présidée par Mme Blandine Kriegel, définit pour sa part la pornographie comme « la présentation d’actes sexuels répétés, destinée à produire un effet d’excitation », évoquant « le spectacle d’une sexualité cumulative où l’intrigue et les sentiments jouent un très faible rôle » (rapport remis au ministre de la Culture le 14 novembre 2002, v. http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/communiq/aillagon/RapportBK.rtf)

[28] Projet de loi n° 1638, déposé le 13 mai 1975, JO AN, Doc. Parl.., 2e session ordinaire, 1974-1975.

[29] La proposition mérite d’autant plus d’être relevée que d’autres libertés publiques voient leur exercice limité par le principe de respect de la dignité de la personne humaine. Il en va ainsi de l’article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (JO 1er octobre 1986, p. 11755). La diffusion de propos racistes et antisémites a par exemple été considérée comme « constituant une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine » (CE, 9 octobre 1996, Association Ici et Maintenant, Rec. CE, p. 401 ; D. 1997, somm. p. 81, obs. T. HASSLER). De même, les propos de l’animateur de cette radio libre se réjouissant de la mort d’un policier « constituent une atteinte à la dignité de la personne humaine et à la sauvegarde de l’ordre public » (CE, 20 mai 1996, Société Vortex, RFDA 1996, p. 845). Peut aussi être rappelée la condamnation d’une société de télévision pour les propos tenus par un animateur tournant en dérision les nains car attentatoires à la dignité de la personne humaine (TGI Nanterre, 20 septembre 2000, Association des Personnes de petite taille (APPT) et a. c/ SA Canal Plus, Communication - Commerce électronique, décembre 2000, p. 28, n° 135, note A. LEPAGE). Plus largement, voir J.-J. SUEUR, « Médias et dignité de la personne. Eléments d’une problématique », Mélanges Christian Bolze, Ethique, droit et dignité de la personne, Paris, Economica, 1999, pp. 65-85.

[30] CC, déc. n° 343-344 DC, 27 juillet 1994, Bioéthique, GDCC, 2001, n° 47.

[31] Voir Comm. EDH, 10 octobre 1970, Patel et autres, Annuairen° 13, p. 929 et Cour EDH, 25 avril 1978, Tyrer, Série A, n° 26, §§ 29-30.

[32] Cour EDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, Série A, n° 25, § 167.

[33] Le cas d’actes zoophiles, dont la Cour d’appel de Paris a considéré - il s’agissait en l’espèce d’images diffusées sur un site Internet pornographique - qu’elles étaient de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine (CA Paris, 2 avril 2002, Juris-Data n° 2002-172666), reste délicat. Il est en effet difficile de croire qu’ils pourraient être librement consentis tant ils paraissent contre-nature. Ils ne relèvent pourtant pas par essence de la catégorie des agressions sexuelles dont le propre est qu’elles sont imposées à la victime.

[34] L’article 222-22 du Code pénal retient d’ailleurs la menace, contrainte et la violence parmi les éléments constitutifs du crime de viol.

[35] CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d’Aix-en-Provence, Leb. 372, concl. FRYDMAN ; GAJA 2001, n° 105 ; RFDA 1995, p. 1204, concl. P. FRYDMAN ; D. 1996, jur., p. 177, note G. LEBRETON ; JCP G, 1996, II, 22630, note F. HAMON ; RDP 1996, p. 536, notes M. GROS et J.-Ch. FROMENT.

[36] L’article 1er du décret du 7 mai 1936 portant réglementation du contrôle cinématographique (JO 8 mai 1936, p. 4762) évoquait pour sa part « l’ensemble des intérêts nationaux en jeu et spécialement l’intérêt de la défense des bonnes mœurs et le respect des traditions nationales ». Dans son arrêt du 24 juin 1949, Société des films Sirius (Rec. CE, p. 312), le Conseil d’Etat invoquait également les motifs d’ordre politique. Dans ses conclusions sur l’arrêt Chabrol du 8 juin 1979 (op. cit.), le commissaire du gouvernement incluait parmi ces intérêts généraux « le bon fonctionnement de la justice » (RDP 1980, p. 229) et notamment « le respect de la présomption d’innocence » (ibid., p. 233), ce que retiendra la Haute juridiction. Toutefois, ainsi que le note M. F. Julien-Laferrière, le Conseil n’opère pas un raisonnement satisfaisant sur le plan juridique puisqu’il inclut dans les finalités d’une police administrative spéciale des motifs ne relevant pas de l’ordre public (D. 1979, jur., p. 636). Il est vrai que les pouvoirs de police des autorités administratives ne peuvent être exercées que pour les finalités qu’ils offrent de poursuivre. Ainsi, en matière de police administrative générale, l’interdiction d’une manifestation au motif qu’elle risquait de porter atteinte aux relations diplomatiques de la France a été jugée entachée d’un détournement de pouvoir (CE, 12 novembre 1997, Ministre de l’Intérieur c/ Association Communauté tibétaine en France, Rec. CE, p. 417). Tel n’est pas le cas en l’espèce où la protection des mineurs relève de l’ordre public social.

[37] B. GENEVOIS, concl. sur CE, 13 juillet 1979, Ministre de la Culture et de la Communication c/ Société Le Comptoir français du film, Gaz. Pal. 1981, jur., p. 324.

[38] Souligné par nous.

[39] Actuellement, certains parlementaires se font actuellement fort d’en restituer l’esprit : v. la proposition de loi n° 138 du 25 juillet 2002 de Mme Christine Boutin et de quatre-vingt quinze autres députés relative à l’interdiction faite aux services de télévision de diffuser des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite. Rappelons que dans le cadre de la discussion du budget 2003, M. Charles de Courson avait pour sa part déposé un amendement, finalement repoussé, visant à taxer à 90 % les films pornographiques, ce qui aurait assuré une quasi-impossibilité de production et de diffusion. D’autres parlementaires poursuivent toutefois un objectif plus libéral : v. la proposition de loi n° 317 du 15 octobre 2002 de MM. Yves Bur et Jérôme Rivière et Mme Marie-Jo Zimmermann visant à protéger les mineurs contre la diffusion de programmes comprenant des scènes de violence gratuite ou de pornographie. De son côté, le rapport de la Mission d’évaluation, d’analyse et de propositions relative aux représentations violentes à la télévision, présidée par Mme Blandine Kriegel, ne recommande pas l’interdiction de la pornographie - qu’elle apparente à une forme de violence - mais un programme élargi de mise hors de portée des enfants des spectacles violents. Elle entend confier à une seule commission le soin de procéder au classement des films susceptibles d’offrir un message violent, quels que soient les types de supports de la diffusion. Elle demande également la réforme de l’article 227-24 du Code pénal afin d’en assurer une meilleure application.

© - Tous droits réservés - Nicolas GUILLET - 23 mars 2003

 


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